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Madi Djabakaté parle de son nouveau livre « 55 ANS DE VIE CONSTITUTIONNELLE AU TOGO »

Togotopnews.com

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« 55 ANS DE VIE CONSTITUTIONNELLE AU TOGO », c’est le titre du tout nouveau livre de M. Mohamed Madi Djabakaté, Expert des affaires Politiques, Paix et Sécurité. Un ouvrage qui constitue une contribution à l’appréciation de la pratique constitutionnelle au Togo. Dans une interview accordée au site « togotopnews.com », l’auteur parle de cet essai.

Lecture :

Vous avez déjà trois ouvrages à votre actif, vous êtes pour le moins qu’on puisse dire confirmé écrivain de grande facture ?

Je pense que cette appréciation revient aux lecteurs et critiques littéraires. Toutefois, je peux dire que le processus est en cours car mon ambition est d’écrire des livres qui survivront à mon séjour ici-bas et serviront de référence pour les générations futures. Il est vrai que je fais l’effort d’être meilleur à chaque publication. Quand on écrit sur des sujets intrinsèquement liés à l’actualité nationale et internationale, on doit exiger beaucoup de soi-même car c’est prendre position face à l’histoire. Et pour moi, c’est ce que doit être l’écrivain contemporain.

Votre troisième ouvrage qui vient de paraitre aux Editions Awoudy est intitulé « 55 ANS DE VIE CONSTITUTIONNELLE AU TOGO », que peut-on retenir de l’ouvrage ?

Cet ouvrage, il faut le noter est le premier que je consacre à mon pays le Togo. Mais cela ne veut pas dire que la problématique constitutionnelle togolaise est assez différente de celle des autres pays. J’ai voulu dépoussiérer les constitutions togolaises que l’élite intellectuelle et la classe politique ont fait le choix de masquer. On peut retenir que l’histoire constitutionnelle togolaise est complexe et conflictuelle car traduisant toujours le diktat de la majorité légale sur la majorité légitime. La limitation des mandats, l’organisation de scrutins libres et transparents, la séparation étanche des pouvoirs, l’indépendance du pouvoir judiciaire, la cessation des discriminations ne sont pas des thèmes nouveaux pour les constitutions togolaises. Ces sujets ont été abordés depuis 1961. Je dirai que l’histoire constitutionnelle du Togo n’est pas épanouie. La solution au problème togolais n’est pas forcément dans une révision constitutionnelle. Ceux qui doivent mettre en œuvre la révision sont eux-mêmes une partie du problème.

Quels sont les enseignements qui découlent de cette vie constitutionnelle au Togo ?

Les enseignements sont nombreux. Et seule une lecture de l’Essai permettra à tout un chacun de tirer ses enseignements. Mais je peux quand même relever quatre (4) enseignements pour vous. Le premier enseignement est que la constitution est trop sérieuse pour qu’on la laisse entre les seules mains de la classe politique togolaise. La société civile togolaise doit s’impliquer sans complaisance pour s’attaquer aux causes profondes de la crise politique au Togo en contribuant au projet de révision constitutionnelle annoncé.

Le second enseignement, c’est que le Togo accuse un large retard vis-à-vis de ses voisins sur le plan de la pratique démocratique. Comme je le répète assez souvent, le Togo fait plus d’efforts pour stagner à la phase de démocrate au lieu de migrer vers la démocratie. La majorité des droits sont consacrés par la constitution. Mais leur mise en œuvre relève plus d’une appréciation partisane. Et malheureusement toute la classe politique est responsable de cet égarement. Situation qui rend le togolais vulnérable et impuissant face à l’appareil d’Etat. Et pourtant, la dynamique régionale, continentale et internationale interpelle et accule désormais le Togo sur la nécessité de revoir certaines de ses dispositions constitutionnelles.
Le troisième enseignement, c’est la qualité des différentes constitutions togolaises (1961,1963 et 1992), bien sûr si on fait abstraction des ablutions et toilettes qui ont été apportées à celle de la quatrième république par le défunt Rassemblement du Peuple Togolais (RPT). Même celle de 1980, bien que trop décalée peut être revue avec le recul comme l’alignement du Togo sur la mode qui avait pignon sur rue à l’époque sur le continent. Mode à laquelle n’a pas échappé non plus celle de 1992, suivant la mode post Baule sur le continent.

Le quatrième enseignement de taille mais pas forcément le dernier est que l’élite politique togolaise depuis 1960 a toujours confondu l’organisation de l’Etat à l’organisation et à l’exercice du pouvoir. Il apparaît assez clairement que le marathon constitutionnel a été essentiellement motivé par les déceptions consécutives à la gouvernance au niveau des régimes successifs à la tête du Togo.

Est-ce qu’il a y eu des ratés liés à la constitution qui ont plombé la vie politique nationale ?

Aucune œuvre humaine n’est parfaite. Même mon livre actuel peut subir des critiques. Les différentes constitutions successives que le Togo a connues peuvent être considérées comme des dispositions légales au service d’intérêts politiques et partisans. Toutefois sans chercher à aller aux trois premières républiques, je vais me focaliser sur la constitution de la quatrième république.

Le contexte dans lequel cette constitution a été rédigée a conduit l’ancien parti unique d’alors, le feu RPT d’aujourd’hui à le prendre comme un « diktat ». Au lieu de parler de « diktat de Versailles », je parlais de « diktat du Palais des Congrès de Lomé ».

La constitution de 1992 qui avait pour objectif de repartir sur une base claire afin de créer un état de droit est sans conteste la constitution du Togo qui a été rédigée en violation du principe du caractère général et impersonnel de la règle de droit. Tout dans ce texte visait l’ancien parti unique et ses leaders. Mais aussi certains adversaires politiques qu’il fallait écarter afin de limiter la liste des aspirants immédiats au fauteuil présidentiel.

Cet état de chose a guidé les choix du feu Président Gnassingbé Eyadema. Loin de justifier certains de ses actes, cela permet de mieux comprendre la crise politique que traverse notre pays depuis l’élection présidentielle de 1993. C’était l’occasion pour Eyadema de régler les comptes avec ses adversaires de la transition mais surtout de consolider son régime qui a survécu au vent de l’est.

Avez-vous une idée au regard de la révision constitutionnelle qui s’annonce ?

Je pense que pour la jeune garde que nous constituons, nous devons avoir l’audace de nous prononcer sur les enjeux actuels de notre pays, comme c’est le cas depuis 2002 pour notre constitution. Tant que la révision se fera en fonction de l’envie de Faure Gnassingbé de conserver en l’état la constitution tel qu’elle lui a été léguée par son père, ou de l’âge de certains leaders de l’opposition (Agboyibo, Gilchrist ou Gnininvi), ou dans l’esprit d’un partage des postes au sein des institutions de la république, le Togo n’est pas encore sorti de la caverne. Dans mon livre, j’ai donné des orientations et je ferai l’effort pour que ce livre puisse parvenir à la majorité des acteurs politiques ainsi qu’aux leaders d’opinion.

Quel est votre point de vue sur les réformes constitutionnelles en parlant justement du débat sur le régime politique que le Togo se doit d’adopter ?

Comme vous insistez, je vais quand même donner quelques lignes directrices. La vision constitutionnelle au Togo devra être désormais simple. Qu’il s’agisse d’une révision ou d’une nouvelle constitution, le pouvoir constituant doit avoir pour vision l’élaboration d’un texte équilibré et complet. Ce sera un texte qui prendra en compte les dimensions politique et institutionnelle de la crise que traverse le Togo depuis son accession à la souveraineté internationale. Par ailleurs, les pouvoirs exécutif, parlementaire et judiciaire doivent faire l’objet d’un réaménagement qui peut conduire à un équilibre des pouvoirs. Depuis 1961, le pouvoir exécutif a toujours pris le dessus sur tous les autres. Par ailleurs, les aspects touchant la gouvernance, la sécurité, le développement et la réconciliation, tout en respectant la souveraineté, l’unité et l’intégrité territoriale du Togo doivent être au centre des préoccupations. Une chose est sûre : les constitutions togolaises ne sont pas le problème ; ce sont les togolais qui sont un problème pour leurs constitutions.

La révision de la constitution doit se faire dans l’intérêt du peuple et pour le peuple. Pour répondre à cela, la prochaine constitution togolaise devra regorger en son sein les cinq caractéristiques suivantes : la limitation des mandats au niveau de toutes les institutions de la république, l’encadrement du pouvoir politique, la consécration de l’Etat de droit, la consécration du régime parlementaire et la constitutionnalisation de la CENI.

En matière constitutionnelle, pensez-vous que les intellectuels africains en général et Togolais en particulier ont péché en voulant se calquer sur les constitutions de pays européens ?

La moisson constitutionnelle togolaise, caractéristique de plusieurs pays africains depuis leur accession à l’indépendance, puise ses fondements dans une euphorie de l’élite intellectuelle qui cherche coûte que coûte à transposer dans le pays ce qu’elle a pu apprendre dans les universités occidentales ou ce qu’elle a remarqué dans les pays occidentaux.
Sauf que cet acharnement à mimer les anciennes métropoles s’est fait sans prendre en compte plusieurs facteurs sociologiques, anthropologiques, idéologiques, auxquels on ne peut toujours pas remédier par des moyens juridiques. Ce faisant, les différentes constitutions font face à des difficultés auxquelles tentent de répondre les acteurs politiques mais le plus souvent de façon maladroite.

Si je me réfère aux écrits du Professeur GÉRARD CONAC, toutes les nouvelles constitutions africaines énoncent un certain nombre de droits et libertés même s’il faut noter que l’énonciation d’un droit ne comporte pas toujours sa garantie. Plus loin, ce mimétisme pousse les constituants des États francophones à refuser de reconnaître le caractère multiethnique des populations vivant sur le territoire national en se calquant sur la tradition jacobine française qui incite plutôt à mettre l’accent sur l’unité et l’indivisibilité de la Nation. Prenant ainsi en compte de manière négative les diversités communautaires. Ces pratiques remontent déjà aux trente premières années de l’indépendance, où les constituants à l’initiative des Chefs d’États et sous prétexte de garantir l’efficacité gouvernementale et la stabilité politique en place s’efforçaient d’écarter les risques d’une compétition politique ouverte et de donner au Président tous les moyens constitutionnels pour hiérarchiser l’Exécutif et transformer l’Assemblée législative en une Chambre d’enregistrement. Juste pour dire que ce constat n’est pas que le mien.

Que faire pour se tirer de cette épidémie de révisions constitutionnelles partisanes qui est observée en Afrique?

A cette question, je ne peux m’empêcher de partager avec vous les écrits du Professeur Jean-Louis ATANGANA AMOUGOU. Selon lui, l’expérience du nouveau constitutionnalisme africain enseigne que rien ne peut s’opposer à la volonté des dirigeants de modifier les textes constitutionnels à leur guise avec une extrême facilité accréditant l’idée de la faible institutionnalisation de l’Etat africain. Pour ma part cela nous montre que le seul gardien de la constitution qui existe, c’est bien évidemment le peuple. Et dans plusieurs pays, face à la mobilisation populaire, les gens ont revu leurs ambitions. Une chose est certaine, l’ancien Président Burkinabè Blaise Compaoré, pourra en témoigner.

Nous sommes pratiquement à la fin de l’interview va-t-on s’attendre à un autre ouvrage de Mohamed MADI DJABAKATE prochainement?

Je dirai Inch Allah. C’est grâce à Dieu que je peux me permettre aujourd’hui de répondre à votre interview. Mais pour votre information, j’ai pris sur moi l’engagement d’écrire un livre par an, tant que Dieu me donnera la force mais surtout les moyens de le publier.

En Afrique, on a plein d’auteurs anonymes. Et permettez-moi de tirer chapeau à cette génération de nouveaux penseurs. Le seul problème, c’est de trouver les moyens pour publier. Mais je garde la foi.
Au passage, j’aimerais informer le public qu’une séance de dédicace aura lieu Inch Allah le 25 juin 2016 à Lomé. Pour de plus amples détails, ils pourront toujours se référer aux Editions Awoudy.

Votre mot de fin….

En mot de fin, j’aimerais féliciter la Conférence des Evêques du Togo pour sa lettre pastorale du 27 Avril 2016. Même si je ne suis pas chrétien, je me suis retrouvé dans leurs propos. Ce qui est normal car toutes les religions nous enseignent des valeurs de la cohabitation pacifique, du dialogue, de l’entraide et surtout du pardon. Face à l’émergence de la trivialité, de la désinvolture, j’aimerais relayer leur appel selon lequel le 27 avril 2016 qui « marque un tournant de notre histoire nationale n’aura vraiment de sens que s’il nous offre l’occasion d’un nouveau départ et d’un nouvel engagement, dans la vérité et la responsabilité, au service de notre pays. Ne ratons pas ce rendez-vous de notre histoire ! ». Je vous remercie.

Interview réalisée par Hélène Doubidji
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