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Société
Togo

Plus de 100 morts, selon un rapport du REJADD et du RAIDHS: Répression des manifestations pacifiques ces cinq derniers mois

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La contestation du pouvoir de Faure Gnassingbé enclenchée depuis le 19 août 2017 par le Parti national panafricain (PNP) et qui continue jusqu’aujourd’hui, a fait l’objet de violentes répressions organisées et exécutées par le régime en place. Dans un rapport détaillé, avec les preuves à l’appui, le Regroupement des Jeunes Africains pour la Démocratie et le Développement (REJADD) et le Réseau Africain pour les Initiatives de Droits de l’Homme et de Solidarité (RAIDHS) ont relevé ville par ville les blessés, les décès et les déplacements des populations qui ont fui ces répressions. Selon ces deux organisations de la société civile, il y a eu plus de 100 morts depuis le début de ce mouvement de contestation. Nous vous proposons un extrait de ce rapport.

INTRODUCTION :

Depuis les 19-20 août 2017, le Togo est entré dans un cycle de répression sanglante des manifestations populaires dont le lourd bilan provisoire s’établit à plus de 100 morts, généralement par balles ou par exécutions extrajudiciaires, parmi lesquels on compte des enfants ; des milliers de blessés par balles ou victimes de sauvages passages à tabac qui feront de certains d’entre eux des handicapés à vie, des milliers d’arrestations, des milliers de déplacés dans des contrées de l’intérieur et exilés dans les pays voisins.

En effet, ces 19 et 20 août 2017 où tout sembla avoir basculé, le Parti National Panafricain (PNP) présidé par Atchadam Salifou TIKPI avait appelé à des marches pacifiques pour obtenir le retour à la Constitution de 1992 et le droit de vote pour les Togolais de la Diaspora, dans 5 villes du Togo : Lomé, Sokodé, Kara, Anié, Bafilo et dans les capitales ou grandes villes de 6 pays étrangers : Berlin (Allemagne), New York (USA), Accra (Ghana), Ouagadougou (Burkina-Faso), Lagos (Nigeria) et Libreville (Gabon) où vit une forte émigration de citoyens togolais expatriés pour des raisons politiques ou socio-économiques.

A toutes les victimes qu’il y eut depuis lors jusqu’à ce jour, il faut ajouter des centaines d’arrestations et emprisonnements de personnes souvent soumises à la torture, sans oublier un grand nombre de disparitions ainsi que d’importants dégâts matériels sur des biens surtout privés mais aussi publics.

Ce lourd bilan rend compte de la disproportion dont ont fait preuve les autorités togolaises dans le recours à la force publique armée comme unique réponse à de simples marches pacifiques revendiquant des réformes démocratiques au plan constitutionnel et institutionnel. Des réformes qui, au demeurant, avaient déjà été retenues et proposées par la Commission Vérité, Justice et Réconciliation, cette institution officielle qui fut mise en place en 2009 par le gouvernement de M. Faure Essozimna GNASSINGBE en application des principales recommandations du Rapport de la Mission de vérification des faits de l’ONU de 2005.

En effet, au terme des auditions qui ont constitué l’essentiel de ses travaux, le retour à la Constitution de 1992 fait bien partie des 68 recommandations du Rapport que la CVJR a remis, le 3 avril 2012, au Président de la République togolaise et où on peut lire :

« RECOMMANDATION 5 :
Les réformes institutionnelles doivent notamment viser la mise en place des mesures garantissant de meilleures conditions pour l’alternance démocratique. Il s’ensuit que le mandat présidentiel devra être, à l’avenir, limité. A cet effet, la CVJR recommande le retour à la formule originelle de l’article 59 de la constitution du 14 octobre 1992 : « Le Président de la République est élu au suffrage universel pour un mandat de cinq (5) ans, renouvelable une seule fois » ». (Page 263)
C’est pourquoi, on est saisi de perplexité face à la grave criminalisation qu’a, de fait, entraînée la revendication, par le PNP, de ce retour à la Constitution de 1992, une revendication qui n’est rien d’autre que la reprise de cette recommandation préalablement faite par la CVJR.

L’autre perplexité que suscite le sujet qui fait l’objet du présent Rapport préliminaire, à savoir la répression des marches pacifiques du 19 août 2017 au 20 janvier 2018, est relative à la récurrence de la question de l’impunité qui réapparaît avec force alors qu’on aurait pensé qu’on ne la verrait plus resurgir à jamais dans la situation togolaise après les tragiques épisodes de 2005. Perplexité d’autant plus légitime qu’après ces massacres, le Président de la République, M. Faure Essozimna GNASSINGBE a lancé, lui-même, le 28 juillet 2007, avec la représentante du HCDH au Togo, Mme Ige OLATOKOUMBO, une « Campagne contre l’impunité » à Atakpamé sur le mot d’ordre : « Plus jamais ça ! »

Permanente tout au long des 38 ans de pouvoir de M. Gnassingbé EYADEMA, bouleversante lorsqu’elle marqua, à sa disparition, les conditions dans lesquelles son fils, Faure Essozimna fut porté au pouvoir avant, pendant et après l’élection présidentielle du 24 avril 2005 où on enregistra entre 400 à 500 morts selon l’ONU, plus de 1 000 selon la LTDH, la question de l’impunité a brutalement rebondi à nouveau dans la situation togolaise depuis le 19 août 2017.
C’est de toute évidence pourquoi, de façon tout à fait inattendue, la brutalité de la réponse apportée à ces mouvements revendicatifs à travers des menées répressives et actes de violences d’un autre âge, se rajoutant à celles de ces dernières décennies, loin de dissuader les citoyens togolais tant de l’intérieur que de l’extérieur, n’ont fait que les renforcer paradoxalement, contribuant à nourrir ces manifestations d’une affluence jamais égalée par le passé, toujours plus considérable et impressionnante.

Ainsi donc, depuis plusieurs semaines, la tragédie togolaise se maintient à la une de l’actualité internationale.

Alors que l’opinion nationale et internationale se préoccupe de la gravité des exactions commises et dont la poursuite répétitive interpelle le respect des droits de l’Homme au Togo, il importe d’établir un premier bilan sur ce qui s’est passé au cours de cette période de cinq mois qui s’est d’ores et déjà singularisée par un fort exode de populations fuyant la répression pour se cacher en pleine brousse ou trouver refuge dans les pays voisins.


Mais, comment prendre l’exacte mesure des faits d’assassinats, de tortures, de répression, de violation des droits de la personne, de violations des droits de l’Homme s’ils ne sont pas précisément documentés, quantifiés, analysés et rapportés à l’arsenal juridique organisant leur protection dans un Etat de droit ?

C’est au travail requis pour répondre à cette question, que se sont dévoués les membres des deux associations de défense des droits de l’Homme : le Regroupement des Jeunes Africains pour la Démocratie et le Développement (REJADD) et le Réseau Africain pour les Initiatives de Droits de l’Homme et de Solidarité (RAIDHS), qui ont pris l’initiative de ce Rapport préliminaire à travers lequel ils entendent tout simplement faire leur travail.

Déployés sur le terrain dans leur mission de monitoring des marches pacifiques annoncées, ils ont été, bien malgré eux, témoins oculaires de terribles actes de violence généralement perpétrés par les forces de défense et de sécurité contre des citoyens aux mains nues. Dans ces circonstances, leur devoir leur commandait de leur porter assistance, ce qu’ils ont fait.

Et c’est de ce qu’ils ont vu et peuvent valablement témoigner, preuves à l’appui, dont ils rendent compte dans ce Rapport préliminaire qui se fixe pour objectif le recensement et la documentation de ces menées répressives en donnant une meilleure information à leur sujet pour mieux faire comprendre la réalité de ce qui se passe au Togo. Cela, afin que soient entreprises les nécessaires actions en vue de leur cessation tant auprès des autorités togolaises que des institutions internationales chargées de la défense des droits de l’Homme.

Ces témoignages sont d’autant plus importants que les tragiques événements qui surviennent au Togo depuis le 19 août 2017 ont fait surgir un phénomène nouveau : l’apparition de ceux qui ont pour mission d’intoxiquer l’opinion publique en inondant l’Internet d’images et informations sur des actes de répression survenus dans d’autres pays dans l’intention délibérée de dénaturer et discréditer la publication des vraies informations sur ceux survenant au Togo.
C’est pourquoi les lecteurs ne trouveront dans le présent Rapport préliminaire que des images et informations fiables, vérifiées et recoupées sur le terrain et dûment collectées de première main par les membres de leurs propres associations.

Le présent rapport œuvre également à situer les responsabilités des auteurs présumés, commanditaires et exécutants des actes criminels mis en cause afin qu’ils soient identifiés pour répondre de leurs actes dans le cadre de la nécessaire action contre l’impunité au Togo.
Mais on ne peut seulement s’en tenir à la publication des informations sur ces actes criminels, à situer les responsabilités de leurs commanditaires et exécutants. Car, il y a aussi les conséquences tragiques de cette répression sur les populations qui en sont victimes et que nos associations ont le devoir d’aider à y faire face : familles orphelines, innombrables blessés dont plusieurs resteront handicapés à vie, etc.

A cet effet, il est nécessaire de poursuivre l’action pour obliger l’Etat violateur à assumer toutes ses responsabilités à leur endroit en les faisant prendre en charge et à porter assistance à toutes ces victimes par des structures nationales appropriées.

A cet effet, les deux associations initiatrices de ce Rapport préliminaire lancent d’ores et déjà un appel à toutes les familles des disparus, aux victimes et familles des victimes qu’elles invitent à se faire connaître d’elles afin qu’elles soient dûment recensées en vue des actions à poursuivre en commun pour assurer leur défense.
Ils trouveront les contacts sur lesquels ils peuvent nous joindre à la dernière page du présent Rapport préliminaire.

I.3. La nouvelle donne géopolitique à partir du 19 août 2017 :

Tous les observateurs attentifs de la situation togolaise ont été unanimes à reconnaître que l’entrée fracassante du Parti National Panafricain de Tikpi ATCHADAM, a bouleversé le contexte géopolitique du Togo. Depuis la colonisation, ce pays créé artificiellement par des puissances colonialistes européennes, a été dépourvu des atouts, par ses propres créateurs étrangers, qui permettent à un pays de devenir une nation. Apparu sous le règne de la division, surtout sous le mandat français, qui a délibérément opposé le Nord au Sud, à partir des velléités d’indépendance dont le foyer se situait davantage dans la partie méridionale mieux dotée en infrastructures par les colons eux-mêmes, le régionalisme est devenu une idéologie dont les racines sont politiques, régionales et culturelles.

A partir du coup d’Etat de 1967, Gnassingbe EYADEMA a fait du régionalisme une politique qui a vite dérivé en tribalisme surtout au niveau des instruments du pouvoir dictatorial que sont l’armée et l’administration. Après deux présidents sudistes, l’accession au pouvoir d’un Nordiste a été perçue par certains politiciens proches du dictateur comme une revanche. Cette vision de la politique étatique n’était pas dépourvue de non-dits dans la mesure où la lecture des actes politiques se faisait systématiquement à travers la grille du régionalisme ou du tribalisme. L’administration publique en était la caricature : pour dissimuler le tribalisme, quand on nommait un responsable du Nord dans un service, on lui collait un Sudiste comme adjoint et vice-versa pour se surveiller mutuellement. Cette poudre aux yeux pour masquer le tribalisme, surtout, n’avait pas cours dans l’armée, véritable instrument du pouvoir militaire fortement tribalisé dans son recrutement et son commandement. La Conférence nationale souveraine, en 1991, exigea, en vain, l’ouverture équitable du recrutement et du commandement de l’armée, qui a une vocation nationale, à toutes les composantes ethniques du Togo.

L’opposition la plus virulente au régime militaire se recruta surtout dans le Sud du pays parce que les ressortissants du Nord étaient davantage muselés par un régime qui avait pris le Nord, qu’il considérait comme son fief politique, en otage. Le vice-président du gouvernement du président Nicolas GRUNITZKY, Antoine Idrissou MEATCHI, un Kabye de Kouméa, le paya très cher, à la prison de Mango où il fut condamné à mourir de faim et de soif. Beaucoup d’officiers du Nord subirent le même sort funeste. Si EYADEMA pouvait accepter, au nom du clivage régional qu’il a accentué et cultivé, l’opposition des Sudistes, il ne le tolérait pas venant des Nordistes. Toute opposition venant de ces derniers était considérée comme une trahison. Djobo BOUKARY, de retour d’exil au Togo, après le soulèvement populaire du 5 octobre 1990 contre le parti unique et le régime militaire, fut empoisonné à Sokodé, le chef-lieu du pays Tem dont il était originaire. La liste est très longue.

Depuis le 19 août 2017, toute l’opposition démocratique togolaise, s’est reconnue dans le défi du PNP, dont le fief est le pays tem dans le Nord-Togo, à la dynastie GNASSINGBE. Du Nord au Sud, les Togolais se lèvent massivement par centaines de milliers contre le régime cinquantenaire dans toutes les régions et les villes du pays. Un Togolais âgé de 55 ans, par exemple, n’a jamais connu d’autres présidents que ceux de la famille GNASSINGBE !

Ces énormes mouvements de foule ont semé la panique chez les tenants du pouvoir dont la seule réponse est la répression sauvage des manifestants et de la population agressée jusque dans les domiciles dans des localités comme Mango, Sokodé, Bafilo, Lomé, etc. Même des enfants sont tués par balles ! Cette réponse des Togolais constitue un rejet du régionalisme et du tribalisme. L’avènement du PNP, soutenue par tous les anciens partis démocratiques, leurs militants et la population, a brisé les vieilles règles de la géopolitique togolaise : le pouvoir dictatorial ne peut plus exploiter la ségrégation comme argument politique en opposant le Nord au Sud, puisque le nouvel élan politique antitotalitaire vient du Nord. Il y eut, certes, au début du mouvement populaire, une velléité d’opposer deux ethnies du Nord qui échoua, car les ressortissants des ethnies ciblées ne tombèrent pas dans le piège de la division.

Face à la nouvelle donne politique, la fusion politique du Nord et du Sud dans la contestation d’un régime rejeté par les Togolais dans leur ensemble, la dictature militaire de Faure GNASSINGBE, déboussolée, par rapport à sa vieille stratégie qui consiste à diviser pour régner, continue à faire ce qu’elle sait le mieux faire, recourir à la terreur et au crime. Ce qui se vérifiera à la lecture de ce rapport.
II.1. A Sokodé :

Le 18 août, veille de la marche pacifique du 19 août 2017, les autorités togolaises avaient fait venir de Kara des militaires qu’elles ont fait déployer dans la ville de Sokodé en un impressionnant dispositif de guerre destiné à terroriser la population dans l’intention manifeste de la dissuader de manifester le lendemain.

Quelques jours auparavant, le 17 août, les propos incendiaires et irresponsables des ministres de la Sécurité et de la protection civile, Damehame YARK, et de l’Administration territoriale, des Collectivités locales et de la Décentralisation, Payadowa BOUKPESSI, avaient contribué à échauffer les esprits et à mettre les forces de sécurité et de défense sur le pied de guerre tout particulièrement à Sokodé et dans la région centrale, fief du PNP.

Aucun incident majeur n’eut à être signalé dans la ville jusqu’aux environs de 9H 30 bien que le climat y soit déjà très tendu. C’est ainsi notamment qu’au quartier Barrière, les jeunes posaient des barricades que les militaires postés au niveau du bâtiment de la société Togocel enlevaient systématiquement en leur disant qu’ils agissaient ainsi sur ordre du Préfet. Entre temps, le Commandant de la Gendarmerie était passé s’expliquer avec ces jeunes en les rassurant que les militaires n’étaient pas là pour les frapper mais qu’ils avaient pour mission de dégager la route pour libérer la circulation sur la nationale N° 1.
Pendant tout ce temps les militaires côtoyaient les manifestants et la collaboration était bonne entre eux.

Mais, la situation a brutalement mal tourné lorsqu’aux environs de 10H, un ordre, manifestement venu de Lomé où les autorités venaient de franchir le pas de faire disperser violemment la marche du PNP dans la capitale, fut également transmis à Sokodé ainsi que dans les autres villes où les marches pacifiques avaient été programmées afin qu’elles y soient aussi dispersées.

A Sokodé cependant, le dispositif répressif prévu a connu des fortunes diverses et imprévues en raison de la détermination de la population qui était très fortement mobilisée pour prendre part à la marche pacifique dont le grand succès et l’affluence ont dépassé toutes les attentes, presque toute la population de la ville ayant pris d’assaut les rues pour y participer.

Face au déclenchement de cette répression que la population ne pouvait considérer que comme injuste et intolérable, et dont le dispositif consistait manifestement à systématiquement passer à tabac les manifestants pour empêcher toute velléité de regroupement, ceux-ci ont commencé à résister par des jets de pierre dans une confrontation ouverte avec les militaires. Rapidement débordés, ces derniers ont été mis en déroute malgré les instruments de répression dont ils disposaient, alors qu’ils avaient été répartis en deux catégories :

* un premier groupe de militaires armés de bâtons et gourdins, lesquels prirent la fuite devant l’immense foule de manifestants face à laquelle ils constatèrent qu’ils étaient incapables d’accomplir la mission de répression dont ils avaient été chargés ;

* un deuxième groupe de militaires dotés d’armes de guerre et coiffés de casques métalliques lourds qu’on ne porte généralement qu’en cas de guerre, ce qui renseigne en réalité sur le fait que les autorités s’étaient préparées à faire la guerre à la population civile qui avait été appelée à participer à une manifestation pacifique sans instruments de violence comme en dispose la loi, c’est-à-dire à s’y rendre les mains nues.

Dans leur légitime colère face à l’incompréhension dans laquelle ils étaient que la manifestation pacifique prévue ce jour à Sokodé subisse une telle répression, un groupe de jeunes, plus courageux que d’autres, décidèrent de se rendre à la Préfecture au quartier KOMAH où se trouve le quartier administratif pour signifier leur mécontentement au Préfet.

Face au barrage de la voie que leur imposa la Gendarmerie, une vive confrontation eut lieu au cours de laquelle les gendarmes, n’arrivant pas à contenir, la foule déchaînée se sont mis à tirer à balles réelles sur les manifestants, à côté du Marché de Sokodé, blessant grièvement par balles plusieurs manifestants et tuant deux jeunes gens qui étaient venus de Kparatao, le village natal d’Atchadam TIKPI, pour prendre part à la marche pacifique qui devait commencer au quartier Komah :

1°) Bastou OURO-KEFIA, élève à Kparatawo ;

2°) Mamadou Afissou SIBABI, conducteur de taxi-moto à Kparatao, manifestement abattu par un tireur d’élite qui l’a visé et touché d’une balle entre les deux yeux.

Avec ces assassinats et à la vue du sang qui venait ainsi d’être répandu, la situation dégénéra très rapidement, lorsque l’information parvint à la foule immense qui avait pris d’assaut toute la ville selon laquelle les gendarmes avaient commencé à tirer sur la population au Rond-point de l’UTB où 2 personnes venaient de mourir.


Ce fut ainsi qu’au quartier Barrière, la foule décida de se venger sur le groupe de 7 militaires postés au niveau de Togocel, lesquels furent pris en otage par les manifestants qui décidèrent de les ramener à la Préfecture pour signifier au Préfet leur désapprobation à propos du fait que, sur son ordre, les forces de l’ordre aient commencé à tuer des citoyens aux mains nues et qu’ils voulaient qu’elles déguerpissent de là.

C’est donc en allant à la Préfecture, qu’au fur et à mesure que la foule grossissait, les 7 gendarmes avaient été malmenés par certains jeunes en colère et surexcités dans la foule. Il est à préciser que 2 parmi les 7 gendarmes avaient été déshabillés par la population et furent libérés par la suite bien que leurs armes, saisies par certains manifestants, ne leur aient pas été restituées sans pourtant qu’ils aient été battus parce que, identifiés comme étant des natifs de Sokodé, donc du milieu. Ils furent épargnés. Il faut également préciser que l’un des 5 autres gendarmes fut sauvé par une dame qui, après avoir supplié avec conviction la foule de ne pas l’agresser, a ensuite appelé la Gendarmerie pour qu’elle vienne le récupérer.


Dans l’ambiance surchauffée qui s’installa, par la suite, sur toute la ville, le commissariat de Police située près de la barrière, sur la Nationale 1 en direction de la ville de Kara, fut saccagé et incendié, une fourgonnette de la police, à côté de la Poste, en face du marché de Sokodé eut à subir le même sort.


Quelques temps plus tard, on vit débarquer des renforts de militaires bérets rouge qui arrivaient de Kara pour réprimer sauvagement la population.


Dès leur arrivée, ces militaires, qui portaient l’inscription « Commando » au poitrail de leurs treillis, ne passaient pas seulement à tabac les manifestants dans les rues mais entraient dans les maisons pour bastonner sauvagement tous ceux qui s’y trouvaient jusque dans leurs chambres. Même la maison familiale du Général Essofa AYEVA, ancien Directeur de cabinet et ancien Chef d’Etat-major du Cabinet militaire du président de la République, Faure GNASSINGBE, ne fut pas épargnée : tous les habitants y furent sauvagement molestés.


Accompagnant les bastonnades, les rafles commencèrent et se poursuivirent en se transformaient en véritables entreprises de brigandage avec les enlèvements et vols d’engins motorisés, d’argent, de téléphones portables et de tous les objets de valeur sur lesquels les militaires pouvaient mettre la main.


Ces vols opérés par les militaires se sont tout particulièrement systématisés à partir des marches des 6 et 7 septembre, lors des fouilles qu’ils faisaient sur les passants auxquels ils arrachaient les téléphones lorsqu’en violation du droit élémentaire des citoyens à la préservation du secret de leurs communications, ils fouillaient leurs Smartphones pour voir qui était membre d’un groupe Whatsapp. Et, lorsqu’ils tombaient sur ceux qui échangeaient des informations et des images surtout sur la répression des marches pacifiques, ils les passaient à tabac et confisquaient leurs appareils qui n’ont jamais été rendus jusqu’à ce jour.


Devant toute cette barbarie, dès le 19 août, la population commença à prendre la fuite pour aller se réfugier dans les villages des environs de Sokodé ou dans la brousse alors que d’autres partaient déjà pour un exil, qui au Bénin, qui au Ghana.


Un Etat de siège non déclaré fut instauré dans la ville de Sokodé où on caserna une cinquantaine de militaires dans les locaux du Tribunal de grande instance de Sokodé, en face de la société de transport DC 10.


Leurs véhicules de transport de troupes étaient garés à la Gendarmerie et venaient les chercher dès le matin pour les patrouilles qu’ils faisaient dans la ville où ils opéraient parfois avec les gendarmes qu’on transportait dans leurs véhicules surtout lorsqu’ils allaient ensemble procéder à des arrestations ciblées.
III.2. A Kara

Dans la matinée du 19 août, les points de rassemblement de la marche pacifique qui devait partir du Carrefour Campus, des Affaires sociales, du Centre communautaire de Kara (CCK), avaient été pris d’assaut par des miliciens du parti au pouvoir. Ces derniers, qui opéraient sous la conduite de leur meneur, Kpatcha BATCHA, communément appelé Hilaire, président de la section locale de l’USYCORT (Union des syndicats des conducteurs routiers du Togo), s’attaquaient systématiquement à tous ceux qui convergeaient vers les points de rassemblement des manifestants à qui ils allaient jusqu’à arracher les téléphones portables en leur disant d’aller les retirer chez le Colonel-Préfet BAKALI.


Le travail de sape des miliciens une fois fait, les forces de l’ordre entrèrent en action en tirant des grenades lacrymogènes sur les manifestants pour les disperser.
Le chef milicien Kpatcha BATCHA poursuivra sa campagne de terreur contre les populations en s’arrogeant en toute illégalité des droits démesurés que ne lui donnait en aucun cas son statut de simple responsable de l’une des organisations syndicales de conducteurs de véhicules de transport en commun.


C’est ainsi que, le 19 août, il prétendit avoir « saisi » un véhicule de transport en commun au motif qu’il avait convoyé les manifestants de Kétao à Kara, véhicule qu’il garda par devers lui jusqu’à ce qu’une requête adressée à la CNDH en obtienne la restitution à son propriétaire.


De plus, pendant toute cette terrible période où fut organisée la chasse au PNP et à ses militants, il décréta, d’une part, l’interdiction aux racoleurs œuvrant sur les parcs de stationnement de la ville de charger les véhicules de transport des chauffeurs indexés comme étant proches du PNP dont le surnommé « Lampad » et, d’autre part, une augmentation arbitraire des taxes de stationnement qu’il porta de 2 500 F jusqu’à 3 000 – 5 000 F CFA par véhicule.
Il chassa également les revendeuses de nourriture de l’enceinte de la Gare routière Kara-Lomé au motif qu’il les soupçonnait d’être des sympathisantes du PNP dont il ne cessait d’accuser par ailleurs tous les chauffeurs d’âtre membres.


Plus gravement, il se crut autorisé à contraindre, par d’incessantes menaces, plusieurs personnes à quitter la ville de Kara pour un exil hors du Togo.

En dehors du chef milicien Kpatcha BATCHA, il y a lieu de relever, parmi tant d’autres, des cas flagrants de violations des droits personnels qui ont été commis, par abus d’autorité, à l’encontre de certains citoyens, mettant en cause notamment :


— le Chef de canton de Pya qui a convoqué le nommé Litoaba pour lui intimer l’ordre, en toute illégalité, de quitter la localité de Pya, tout simplement parce qu’il était notoirement connu comme étant un militant du PNP ;

— des propriétaires de maisons qui ont congédié, en toute illégalité, leurs locataires au motif qu’ils les soupçonnaient d’être membres du PNP ;

— des militaires qui ont poursuivi la répression jusque dans les maisons, à Kara-Sud, à l’entrée de la ville venant de Bafilo, quartier situé près du Campus et considéré comme étant un fief du PNP ;

— des militaires qui, après avoir sauvagement passé à tabac le responsable chargé à l’information du PNP, Abdou OURO-KOURA, lui ont retiré son téléphone portable qu’ils lui ont demandé d’aller retirer chez le Colonel-Préfet BAKALI ;

— des militaires qui ont menacé et intimidé l’imam WACHIOU de la mosquée située près du Campus universitaire de Kara parce qu’ils le soupçonnaient d’être un militant du PNP.

Le 20 janvier 2018, la marche pacifique des femmes vêtues de noir appelée par les femmes de la Coalition des 14 partis de l’opposition est victime d’une attaque par des miliciens proches du parti au pouvoir qui, armés de bâtons et de gourdins, l’ont dispersée dès le point de départ.

III.3. A Bafilo :

Fief du PNP, Bafilo est une ville où les manifestants affluent, venant des villages environnants comme Soudou pour les marches qui partent généralement de la place de l’indépendance.
Ce fut lors de la marche pacifique du 7 septembre, qui fut dispersée pour un problème d’itinéraire, que deux jeunes gens furent arbitrairement arrêtés le soir, dans la rue, ce qui provoqua des affrontements avec les forces de l’ordre.

Lors de leur procès, l’un d’entre eux sera libéré parce qu’il apporta la preuve qu’il n’était pas à Bafilo ce jour-là. Quant à l’autre, il fut condamné à 12 mois d’emprisonnement et 500 000 F d’amende.

Depuis ces arrestations du 7 septembre, les militaires bérets rouges ont été déployés à Soudou pour organiser la terreur et empêcher les militants du PNP d’y tenir des réunions.

La marche pacifique du 20 septembre a été interdite à Bafilo parce que les gendarmes prétendaient qu’ils n’avaient reçu aucune instruction leur confirmant que la marche était autorisée. Finalement, après de longs conciliabules, le problème fut réglé et la marche démarra, encadrée par les gendarmes jusqu’à l’intersection de la voie de contournement et de la route de Kara.

A cet endroit, des gendarmes cagoulés, venus de Kara posèrent à nouveau le problème de l’itinéraire. A peine avait-on commencé à parlementer que ces gendarmes commencèrent à tirer des grenades lacrymogènes sans discussion avec leurs collègues qui encadraient la marche et qui essuyèrent, eux aussi, les tirs de grenades à fragmentation. On releva près d’une centaine de blessés occasionnés surtout par des éclats de grenades.

Après cette première vague répressive qui mit en action les gendarmes, on fit appel aux militaires bérets rouges de Kara qui débarquèrent et, entrant dans les maisons, se mirent à passer à tabac leurs habitants qui n’eurent d’autre choix que de s’enfuir pour aller se réfugier en brousse.
Ce fut lors de cette bastonnade que Rachad AGRIGNA fut grièvement blessé. Après avoir reçu les premiers soins sur place au CHP de Bafilo, avec six autres blessés dont les cas étaient critiques, tous furent évacués, vers 16H, sur le CHR de Sokodé.

Le lendemain, 21 septembre, deux autres cas critiques furent recensés dont celui du jeune enfant Abdel-Aziz ZATO qui, blessé par balles au ventre, fut découvert dans la brousse, ramené au CHP de Bafilo d’où il fut immédiatement évacué sur le CHR de Sokodé.

Parmi ces huit cas critiques au total, un a été opéré avec succès dans la journée du 21, le 22 septembre au matin, vers 7 heures, Rachad AGRIGNA fut admis au bloc opératoire pour une intervention chirurgicale qui dura jusqu’à 14H où il rendit l’âme, les médecins déclarant que les balles qui l’avaient atteint avaient touché des organes vitaux et qu’il avait perdu beaucoup de sang. Ce fut d’autant plus la stupeur qu’il paraissait jusque-là bien résister à ses blessures à son arrivée et encourageait même les autres blessés avec lesquels il avait été transféré de Bafilo à Sokodé.
Devant cette tragédie, après avoir été soignés, les autres blessés ont été libérés.

Trois autres jeunes, enlevés à leur domicile par les militaires bérets rouges venus de Kara ont été conduits sur la cour de l’Ecole islamique du quartier Wawandè où ils ont été cruellement passés à tabac.

Deux d’entre eux, après avoir été sérieusement battus, furent confiés aux gendarmes qui les ont enfermés à la Gendarmerie de Bafilo d’où ils ont été déférés à la Prison civile de Kara, avec deux autres manifestants venus de Soudou et arrêtés, dans la nuit du 21, ensemble avec le troisième des jeunes qui avaient été enlevés à leur domicile par les militaires, et dont le pied avait été fracturé, soit cinq au total. Le 22 septembre, vers midi, parce qu’il saignait abondamment du pied, il fut conduit au CHR de Kara où, après avoir reçu des soins, il fut plâtré et libéré.

Lors de l’arrestation à Sokodé de l’imam Alassani DJOBO, dans la nuit du 16 au 17 octobre, il y eut à nouveau une explosion sociale à Bafilo dès que la population en fut informée, explosion à laquelle le régime répondit avec une brutalité qui poussa les habitants à fuir dans la brousse pour s’y réfugier.

Puis, le 22 octobre, à Bafilo, à 3 heures du matin, survint l’enlèvement à son domicile, par des gendarmes venus de Kara s’éclairant d’une lampe torche, de l’imam Abdou Wahid BABAYI qui fut conduit à la Gendarmerie de Kara.

Alors que sa famille le cherchait en vain les premiers jours, ce ne fut que le 26 octobre, avec l’amplification des cris d’alarme sur son enlèvement qu’il fut déféré à la Prison civile de Kara.
Sous la pression des campagnes nationales et internationales dénonçant son arrestation et sa détention arbitraires, il fut libéré sans jugement, ensemble avec l’imam Alassani DJOBO, le 2 décembre 2017.

Le 5 novembre, alors que les jeunes militants du PNP de Bafilo se préparaient pour la marche pacifique du surlendemain, le 7 novembre, en faisant un footing le matin, ils croisèrent le cortège du Premier ministre qui rentrait sur Lomé venant de Kara, sans qu’il n’y ait eu d’incident. Pourtant, des militaires du Camp voisin de Kpéwa, estimant qu’ils avaient fait un affront au Premier ministre, se sont déchaînés sur un groupe de ces jeunes qu’ils ont sauvagement tabassés alors qu’ils rentraient dans un village voisin d’où ils étaient venus pour ce footing.

Parce qu’il semblerait que les autorités togolaises auraient eu vent qu’une cérémonie rituelle allait être organisée dans la ville à l’intention des jeunes pour qu’ils soient immunisés contre les balles des militaires à la veille de la marche des 20/21 septembre, une expédition punitive a été organisée contre le village de Kparatao où des militaires ont été débarqués, de Kara, au soir du 19 septembre pour empêcher qu’elle ait lieu.

Kparatao avait été d’autant plus visé par la répression qu’il était le village d’origine d’Atchadam TIKPI, le président du Parti national panafricain (PNP), initiateur de la mobilisation qui soulevait la population dans tout le Togo depuis le 19 août, et du Général Séyi MEMENE à qui les autorités togolaises reprochaient de soutenir Atchadam TIKPI qu’ils savaient avoir des liens de parenté avec lui.

C’est pour cette raison que sa maison au quartier Komah de Sokodé sera perquisitionnée par des militaires lourdement armés, le 16 novembre, au motif qu’ils y recherchaient les armes arrachées par la population aux militaires, au domicile du Ministre Agadazi OURO-KOURA, dans la nuit du 16 au 17 octobre, et qu’une grenade lacrymogène sera lancée dans sa maison de Lomé, dans la nuit du 19 au 20 septembre, veille de la marche des 20/21 septembre.

Dès leur arrivée à Kparatao, les militaires, voyant un bœuf attaché à un arbre sur la cour d’une maison où la cérémonie était supposée avoir lieu, l’ont criblé de balles tirées à bout portant.
Or ce bœuf appartenait en réalité à un boucher qui allait l’abattre pour le vendre comme viande de boucherie au marché, raison pour laquelle, ne se laissant ni impressionner, ni intimider par les autorités togolaises, ledit boucher exigea et obtint par la suite du Préfet 300 000 F CFA de dédommagement pour l’animal abattu, expliquant qu’il avait été lésé dans ses droits commerciaux.
Entendant les rafales d’armes de guerre qu’on tirait sur l’animal, la population a afflué en grand nombre sur les lieux pour réagir par solidarité contre cette agression.

Devant cette riposte inattendue de la population, les militaires ont commencé à tirer des grenades lacrymogènes tant dans la maison qu’aux alentours pour disperser la foule qui s’agglutinait.
Ce fut alors qu’une dame d’une quarantaine d’années, habitant la maison, tomba en syncope, traumatisée par la peur des tirs d’armes automatiques cela, après avoir fortement inhalé des gaz lacrymogènes dont des grenades avaient été tirées en grand nombre dans la maison.

Ce forfait commis, les militaires ont commencé à réprimer la population, entrant dans les maisons dont ils tabassaient sans ménagement les habitants en prétendant rechercher les armes arrachées aux militaires le 19 août à Sokodé. Ce qui leur a permis de ramasser les armes blanches (couteaux, coupe-coupe, daba, arcs et flèches dans leurs carquois,

etc.), fétiches et divers objets appartenant aux habitants.
Depuis lors, l’Etat de siège déjà instauré à Kparatao fut renforcé poussant de nouvelles vagues de la population à fuir en exil et dans la brousse pour avoir la vie sauve.

III.5. A Mango :
Alors que jusque-là aucune marche pacifique n’avait été organisée à Mango dans le cadre de la mobilisation nationale exigeant le retour à la Constitution de 1992, depuis le 19 août, les responsables locaux de la coalition des 14 partis de l’opposition togolaise qui en étaient les initiateurs, décidèrent d’en organiser une à Mango, lorsque fut programmée à nouveau une marche pacifique nationale les 20/21 septembre.

Dès qu’elle la manifestation de l’opposition fut annoncée, le parti au pouvoir, l’UNIR, décida également d’organiser une contre-manifestation sous l’égide du chef de canton Nambiema Tabi ZAKAR.

Le jour venu, il y eut une confrontation entre les deux marches qui dégénéra en affrontements qui tournèrent au désavantage des partisans de l’UNIR à qui ceux appartenant au démembrement local de la coalition des 14 partis de l’opposition reprochaient de ne pas être venus demander pardon aux victimes de la répression des manifestations de contestation de la réactivation du projet de réhabilitation des aires protégées dans la Préfecture en novembre 2015.

Face à la mise en déroute des partisans du parti au pouvoir dont il faisait partie, le chef de canton, qui redoutait les représailles des jeunes de l’opposition, se réfugia au Camp militaire voisin de la Clinique de l’Espérance (construite par les Américains) où il sollicita l’intervention du contingent de militaires et de gendarmes s’y trouvant.

Militaires et gendarmes se mirent à tirer à balles réelles sur les manifestants, tuant notamment Yacoubou ABDOULAYE, jeune élève de 9 ans, abattu d’une balle de guerre qui, tirée en pleine poitrine, ressortit en lui faisant un gros trou dans le dos.

D’autre part, deux manifestants (Séidou N’TCHIRIFOU BAWA et Yaya SAMARI) qui tentaient d’échapper à cette répression sanglante, en tentant de fuir pour rejoindre le Ghana, à travers le fleuve Oti qu’ils pensaient pouvoir traverser, s’y noyèrent.

Quant aux blessés, un décompte d’une quarantaine de blessés au total fut déploré tant du côté des partisans de la coalition que de ceux des notables du chef de canton et partisans du parti au pouvoir alors que 28 arrestations furent opérées à Mango et un autre à Dapaong où un enseignant, M. BOUKARI, fut arrêté au motif que lui fut imputé la responsabilité d’avoir été l’organisateur des événements. Sur ces 29 cas d’arrestation, 7 ont été libérés, les 22 autres ayant été maintenus dans les liens de la détention.

Il faut par ailleurs dénoncer le fait que les militaires et gendarmes aient fait intrusion dans les domiciles privés pour y réprimer les habitants et détruire leurs biens.

C’est ainsi qu’un monsieur, soupçonné d’être un militant du PNP eut sa boutique de vente de matériaux de construction (un local pris en location) saccagé et ses marchandises incendiées.
Dans la maison du même bailleur de cette boutique, un autre locataire, également soupçonné d’être un militant du PNP, eut aussi sa chambre saccagée et incendiée.

Après les événements du 20 septembre, le dispositif répressif mis en place à Mango fut soutenu par le débarquement d’un renfort d’une soixantaine de militaires qu’on fit venir de Kara et qu’on caserna dans les locaux de la Préfecture de l’Oti.

Toutes ces forces de l’ordre et de sécurité eurent la charge d’organiser la répression et la terreur dans la ville de Mango, tâche dont ils s’acquittèrent en procédant, avec les gendarmes, à de nombreuses arrestations arbitraires.

Parce que le chef de canton se vantait d’imposer dans la ville ce qu’il appelait un Etat d’« Impunité zéro », tous ceux qui étaient soupçonnés d’avoir pris part aux événements et d’avoir fui Mango, se voyaient systématiquement traquer et arrêter à leur retour dans la ville. Au nom d’une nouvelle loi non écrite édictée par ce chef selon laquelle « S’ils n’avaient rien à se reprocher, ils n’auraient pas quitté la ville ».

III.6. A LOME :

Le 19 août, ce fut une foule immense qui a afflué à l’échangeur du quartier Agoè, tôt le matin, en réponse à l’appel à la marche pacifique pour exiger le retour à la Constitution de 1992 et le vote de la diaspora lancé par le PNP qui, peu de jours auparavant, avait bénéficié du soutien de plusieurs formations politiques de l’opposition.


Mais, arguant des désaccords apparus tant sur l’organisation de cette marche pacifique, les ministres de la Sécurité et de la protection civile, Damehane YARK et de l’Administration territoriale, des Collectivités locales et de la Décentralisation, Payadowa BOUKPESSI dont les propos menaçants avaient envenimé la situation et contribué à créer un climat de tension autour de l’organisation de cette marche, prirent des dispositions pour la réprimer sévèrement. Cela, en violation de toutes les dispositions légales régissant l’organisation des manifestations pacifiques.
C’est ainsi qu’alors que la foule, déjà considérable, continuait à enregistrer un afflux toujours plus important de participants, les forces de sécurité furent instruites de déclencher une brutale répression qui prit de court et surprit tous les manifestants. Ils furent chargés brutalement et pourchassés avec les fourgonnettes de la Police et de la Gendarmerie, pour être dispersés par des tirs de balles en caoutchouc et de grenades lacrymogènes.

Dans la débandade et la panique générales qui eurent lieu, on enregistra de nombreux blessés et de nombreuses arrestations alors que les manifestants se dispersaient dans une incompréhension totale empreinte d’une forte colère populaire. Un préoccupant avenir se dessinait déjà venant d’une population qui, pleinement consciente que ses droits élémentaires venaient d’être bafoués, annonçait déjà ouvertement qu’elle n’entendait plus se laisser faire, ce qui indiquait qu’on entrait dans un nouveau cycle d’événements tragiques.

Face à la gravité de la répression et au désarroi qu’elle a suscité, le PNP dut annuler précipitamment la marche pacifique dont la poursuite avait été programmée pour le lendemain, dimanche 20 août, alors qu’il lançait un appel à la solidarité des formations politiques de l’opposition.

Le dimanche 20 août, confirmant cette annulation, la direction du PNP envoya au même point de départ que celui initialement prévu la veille, l’échangeur d’Agoè, une délégation conduite par un de ses principaux responsables, le Docteur Kossi SAMA, pour inviter les manifestants qui n’auraient pas été informés de l’annulation de sa marche pacifique à se disperser dans le calme.

Mais, à la surprise générale, le Dr SAMA et sa délégation qui s’étaient rendus à l’échangeur d’Agoè pour appeler à la dispersion des manifestants ainsi qu’un certain nombre de manifestants qui s’y trouvaient déjà furent arrêtés et rapidement déférés à la Justice, ce qui contribua à enflammer les esprits.

Alors qu’une coalition de partis de l’opposition venait de se constituer autour du PNP, une marche pacifique que ce nouveau regroupement avait convoquée les 30/31 août pour protester contre la répression des marches des 19/20 août, fut annulée et reportée à une date ultérieure par la coalition. Cette dernière entendait éviter par ce report tout risque de collusion et d’affrontements qui risquait de se produire avec les partisans du parti au pouvoir qui avait également appelé à manifester les 29, 30 et 31 août.

Les 6 et 7 septembre, après le report des marches de protestation initialement prévues les 30/31 août, la coalition de 14 partis constituée autour du PNP, soutenue par d’autres formations politiques, appela à de nouvelles marches pacifiques pour exiger la satisfaction des revendications politiques initialement mises en avant par le PNP ainsi que la libération des personnes arbitrairement arrêtées et emprisonnées.

Si à son premier jour, cette marche pacifique se déroula sans incident, elle fut sauvagement réprimée à son deuxième jour, le jeudi 7 septembre, où, partis de deux points de la capitale (les ronds-points d’Atikoumé et de Bè-Gakpoto), elle se transforma en sit-in à son passage au Carrefour Deckon alors qu’elle avait pour point de chute le terrain du bas-fond du Collège St Joseph.

Ce fut à 22 heures, heure où les manifestations pacifiques doivent légalement prendre fin, que les autorités togolaises feront donner l’assaut par les forces de l’ordre contre les manifestants en déclenchant immédiatement, après avoir fait couper l’électricité et l’éclairage public dans tout le secteur, des tirs nourris de grenades lacrymogènes sur les manifestants qui, rassemblés au Carrefour Deckon, furent sauvagement tabassés et dispersés sans ménagement. Il s’ensuivit un mort et plusieurs blessés graves.


A cette répression sanglante, la population opposa une résistance qui entraîna une vive confrontation toute cette nuit du 7 au 8 septembre avec les forces de l’ordre jusqu’au quartier de Bè voisin, laquelle se solda par 92 arrestations dont 3 mineurs et 2 malades mentaux qui, eux, ont été libérés le 8 septembre dans la soirée.


Conduits en différents endroits où ils ont été détenus et torturés (Gendarmerie nationale, Sûreté nationale, Direction de le Gendarmerie à Agoè, etc.), les 87 emprisonnés restants ont été regroupés, le 9 septembre, à la Direction centrale de la Police judiciaire (DCPJ), près du carrefour de la Colombe de la paix où ils devaient être libérés aux environs de 20 heures.




Les deux marches pacifiques que la coalition des 14 partis de l’opposition organisa cette semaine, après les campagnes de dénonciation de la répression de celle du 7 septembre, se déroulèrent, presque sans incident.
Car, au retour de celle du deuxième jour, les manifestants habillés de rouge furent arrêtés au Carrefour 3K, sortis des véhicules les transportant, et sauvagement tabassés par une colonne de militaires qui les y attendait, l’intention manifeste étant de les dissuader à l’avenir de participer aux marches pacifiques convoquées.

Les 4 et 5 octobre:

A l’occasion de la commémoration du 27e anniversaire du soulèvement populaire du 5 octobre 1990, la coalition des 14 partis de l’opposition démocratique avait appelé à une marche pacifique nationale qui, à Lomé, avait pour point de chute, non plus le Bas-fond du Collège St Joseph, comme les précédentes, mais la plage, devant l’Hôtel Sancta Maria.

Il est à relever que la veille, mardi 3 octobre, un étrange braquage eut lieu au Grand Marché de Lomé faisant 5 morts (1 cambiste, 2 personnes dans le marché et deux des malfrats), 11 blessés selon le Communiqué signé du Ministre de la Sécurité et de la Protection civile, Damehane YARK, lu à la télévision nationale au soir de l’événement. Mais il s’avéra par la suite que les « deux malfrats » dont il était question dans ce communiqué n’étaient que d’innocents conducteurs de taxis-motos qui ont été faussement désignés à la vindicte populaire qui les a lynchés alors que les véritables auteurs du braquage s’étaient échappés. Parce que ces derniers n’ont pas été arrêtés jusqu’à ce jour et que leur mode opératoire ressemblait fort curieusement à celui du braquage qui eut déjà lieu à l’aéroport de Lomé, et dont plusieurs observateurs ont soupçonné une machination de certaines hautes autorités de l’armée togolaise qui avaient racketté des commerçants en partance pour la zone Asie, ce braquage avait tout l’air d’ une machination destinée à dissuader la population de participer en grand nombre à la marche pacifique du lendemain.

Mais si la marche pacifique du 4 octobre a connu une grande affluence et se déroula sans incident, celle du 5 octobre, que les organisateurs appelèrent « Marche de la colère », venait de s’achever sans incident lorsqu’en différents points de la capitale survinrent des affrontements avec les forces de l’ordre, surtout dans les quartiers Est où des jeunes érigèrent des barricades. En réponse, une répression violente fut opposée à ces mouvements et se poursuivra jusqu’au lendemain, se soldant par de nombreux blessés et arrestations.

En condamnant cette répression, la coalition des 14 partis annonça, l’organisation de nouvelles marches la semaine suivante en guise de protestation mais celles-ci devaient être reportées.
Ce fut dans ces circonstances que, le 12 octobre, les autorités togolaises annoncèrent par un communiqué une série de décisions apparaissant comme une réaction à la « Marche de la colère » en décrétant l’interdiction des marches pacifiques en semaine où seules les meetings étaient désormais tolérés, l’organisation des marches pacifiques n’étant plus admise que les samedis, ce qui portait gravement atteinte à la législation existante en la matière.

Ces mesures régressives, immédiatement dénoncées par les organisations indépendantes comme une violation flagrante des libertés et droits démocratiques, allaient être lourdes de conséquences peu après lorsqu’on constatera qu’elles étaient destinées à préparer le terrain aux graves événements qui surviendront par la suite.

En effet, dans la nuit du 16 octobre au 17 octobre, des miliciens identifiés comme étant proches du parti au pouvoir, embarqués à bord de véhicules 4X4 et accompagnés par un véhicule d’agents de la CEET qui coupèrent l’électricité sur la ligne, incendièrent le siège du PNP au quartier Agoè, dans la banlieue Nord de Lomé. Après avoir tenté sans succès de défoncer la porte dudit siège dont les locaux se trouvaient à l’étage, ils incendièrent les boutiques se trouvant au rez-de-chaussée du bâtiment sauf celle d’une dame notoirement connue comme étant l’épouse d’un colonel.
Dans la même nuit à Zossimé, un autre quartier de la banlieue Nord, d’autres miliciens de la même affiliation politique incendièrent et vandalisèrent une boutique d’alimentation générale appartenant à un militant du PNP.


Les 18/19 octobre, alors que la coalition des 14 partis de l’opposition avait programmé l’organisation de marches pacifiques, leur tenue fut empêchée dès le premier jour, mercredi 18 octobre, par un spectaculaire déploiement de miliciens cagoulés proches du parti au pouvoir, armés de fusils, revolvers, cordelettes, coupe-coupe. Certains d’entre eux furent identifiés comme étant des mercenaires étrangers, notamment rwandais, ce que sera contraint de reconnaître publiquement, par la suite, le ministre Damehane YARK. Circulant à bord de pick-ups 4X4, toujours accompagnés de militaires et forces de sécurité devant lesquels ils agissaient non seulement ouvertement mais qui assuraient leur protection et leur servaient de renfort, ces miliciens organisaient la terreur dans les quartiers Atikoumé, Adéwui, Bè-Gakpoto où les points de départ de la manifestation avaient été fixés. Leur objectif clairement affiché était de disperser sans ménagement ceux qui y affluaient en les violentant pour les blesser et même les tuer, surtout ceux portant des T-shirts et tenues de couleur rouge, symbole du PNP.

Il en fut de même dans les quartiers Akodésséwa, Agoè, Amoutivé, Adidogomé (La Pampa et Sagbado) et Bè qui furent les points critiques où les voies de fait et exactions furent systématiquement étendues avec l’assassinat d’innocents comme le jeune élève de 13 ans Kokou Joseph ZOUMEKEY dit Jojo, tué par balles à Bè-Kpota alors qu’il rentrait à son domicile après que son établissement ait été précipitamment fermé par leurs enseignants, dès que la ville s’embrasa. Même des secouristes de la Croix-Rouge ne furent pas épargnés tel Akuété AMESSE qui, frappé au ventre par des balles qui lui ont touché la vessie alors qu’il secourait des blessés, n’a pu avoir la vie sauve que grâce à une intervention chirurgicale. Quant à deux jeunes tailleurs, dont GAYIKPA Koffi dit Amorin, qui venaient à peine d’ouvrir leur atelier et tentaient de voir ce qui provoquait de tels tumultes dans leur rue, ils n’eurent même pas le temps de comprendre ce qui leur arrivait lorsque des balles tirées de revolvers munis de silencieux les frappèrent à Akodésséwa-Klouvi. Olivier GBESHI, ce meunier de son état, qui est sorti pour voir ce qui se passait lorsque la rumeur publique enflait en s’approchant de son atelier alors qu’il travaillait, aura été, lui aussi, frappé en haut de la cuisse gauche par des balles tirées de revolvers munis de silencieux.


Dans tous ces quartiers populaires, les miliciens entraient par effraction dans les maisons, tirant des grenades lacrymogènes, molestant ceux qui n’ont pas fait le déplacement pour prendre part aux marches pacifiques, même ceux qui dormaient dans leurs chambres à coucher d’où ils ont été sortis sans ménagement sous les coups redoublés. Ce fut notamment le cas de Beau-Gars HOUSSOUDE qui, copieusement rossé à son domicile, à Bè, eut de multiples fractures à la jambe gauche pour lesquelles il dut être plâtré.

De nombreuses arrestations et enlèvements auront été opérés cette journée tant dans les rues que dans les domiciles des quartiers, conduisant souvent à faire embarquer à tort d’innocents citoyens raflés alors qu’ils vaquaient tranquillement à leurs occupations quotidiennes pour de folles et douloureuses séances de tortures entre les mains de miliciens et forces de l’ordre.
Tel fut le cas de K. A., qui raconte sa folle aventure comme suit :


« Le 18 octobre 2017, j’ai reçu un appel de la part de mon oncle qui m’a sollicité pour des soins à administrer à sa femme vers Adakpamé vu que je suis infirmier de formation.
Je m’y suis rendu immédiatement. Après lui avoir fait les soins, j’ai fait des prélèvements pour des analyses que je suis allé déposer au dispensaire d’Adakpamé.

Je devais y retourner le lendemain pour récupérer les résultats. A mon retour, je me suis fait transporter par un taxi-moto (zémidjan) jusqu’à Bè-Blanc Blanc encore appelé Napoléon où j’habite. A peine descendu de la moto, à 3 mètres du portail de la maison où j’habite, j’ai juste fait quelque pas en direction de la maison quand j’ai aperçu un miliaire sortir de la maison d’en face qui m’a abordé et m’a posé la question de savoir d’où je venais. Je le lui ai narré mes déplacements de ce jour comme je viens de le dire ; et, je lui ai vite montré le contenu de mon sac, celui-là même que je tenais à la main. Le militaire qui m’interrogeait a constaté que le sac contenait bien un tensiomètre, un glucomètre, un thermomètre et les reçus des demandes d’analyse déposées au dispensaire d’Adakpamé.


Ayant été convaincu par toutes ces preuves, il m’a laissé et m’a demandé de partir ; le temps que je fasse quelques pas, une vingtaine de militaires qui marchaient vers moi m’ont interpelé, encerclé et commencé à me battre en me disant que c’est TIKPI qui m’a envoyé les déranger. Tous me frappaient avec leurs matraques, cordelettes et des bâtons comme un gibier qui essaie de leur échapper. Après que je me suis écroulé par terre, inconscient, ils m’ont relevé et, alors que je tenais à peine debout, m’ont trainé de Napoléon-Blanc blanc jusqu’à Bè-Kpota-Yesuvi (Station-service) où ils m’ont ajouté à un groupe d’une centaine de jeunes gens qui avaient déjà été arrêtés.

Là-bas, mon calvaire a repris de plus belle. Un autre groupe de militaires m’a accueilli avec des coups plus violents jusqu’à ce que je m’écroule par terre, dépourvu de toutes mes forces. Lorsque j’ai essayé de me relever, un militaire m’a donné un coup de pied très violent qui m’a fait tomber sur un autre. Puis, il a sorti mon téléphone portable de ma poche, l’a écrasé d’un coup de pied, l’a plongé dans un seau d’eau qu’il y avait là, l’a ressorti et me l’a remis en m’ordonnant d’appeler tout de suite TIKPI ATCHADAM pour lui demander de venir me sortir de leurs mains, bien qu’ils savaient avoir détruit mon téléphone. Naturellement, avec tout mon corps endolori et la paume de mes mains ensanglantées, je n’arrivais pas à tenir le portable. Il m’a alors forcé à le tenir quand même dans la paume de ma main toute déchirée et sanglante et, chaque fois que je n’arrivais pas à faire comme si je téléphonais, son équipe me frappait très violemment.

Après, j’ai été embarqué, avec d’autres, à la DPJ où nous avons rejoint d’autres personnes qui ont été arrêtées et torturées de la même façon ; j’ai rencontré des cas pires que le mien là-bas.
A la DPJ, j’ai été soumis à plusieurs interrogatoires sous des pluies de coups de matraques, cordelettes, bâtons, gifles et coups de pieds. J’ai soutenu, à chaque interview, ce que j’avais expliqué au premier militaire que j’ai rencontré à ma descente au portail de ma maison à Bè-Napoléon puisque c’est la vérité.

Au soir de ce premier jour de mon arrestation, un groupe de femmes-gendarmes a débarqué à la DPJ venant je ne sais d’où. Elles m’ont pris à part alors que j’étais presque mourant et, après m’avoir encerclé, ont recommencé à me rouer de coups. Elles me frappaient avec une méchanceté qui semblait leur procurer un malin plaisir à m’humilier en tant qu’homme. Alors qu’elles me cognaient, j’ai subitement ressenti, à un moment donné, une douleur très vive dans mes bras et sur mon cœur ; c’était comme si mes bras venaient de se casser et je suis tombé évanoui de douleur. Le jour suivant et le troisième jour, j’ai été soumis à des tortures encore plus méchantes que le premier jour.

C’est au soir du troisième jour qu’en me soumettant encore à un interrogatoire, le jeune gendarme en face de qui je me trouvais a déclaré que j’étais innocent et a ordonné ma libération. Il a demandé qu’on me sorte dehors parce que, pour que ma libération soit effective, il faut que j’aille voir un commandant quelque part que je ne connaissais pas. Quand je sortais de la salle après l’interrogatoire, les autres gendarmes qui se tenaient dehors, y compris les dames qui m’avaient roué de coups les premier et deuxième jours ont recommencé à me rouer de coups à nouveau quand le gendarme qui m’accompagnait depuis la salle où j’ai été interrogé leur a fait savoir que j’ai été libéré et qu’ils n’avaient plus le droit de me frapper. Malgré cela, ils ont continué jusqu’à ce qu’il vienne me sortir de leurs mains ; il m’a remorqué sur sa moto et m’a conduit auprès du commandant. Il était déjà 17H du soir. Sur le chemin, je me suis permis de lui demander une faveur après lui avoir dit que je ne savais pas où il était en train de m’emmener et que je ne savais pas quel sort me sera réservé là-bas. Face à son silence, je l’ai supplié qu’il valait mieux qu’il m’abatte là, sur le champ, dans la rue parce que je ne pouvais plus supporter de subir les tortures qu’on m’infligeait depuis trois jours. Face à cette demande, il s’est vu obligé de parler et m’a répondu en disant :

« Il faut que tu comprennes que j’ai fait tout mon possible pour te sortir de là ; sois confiant que, là où on va, le commandant entendra raison pour que tu sois libéré définitivement parce que, à 18H, tous ceux qui sont restés là-bas seront transférés : certains iront en prison, d’autres dans d’autres endroits qu’on ne maîtrise pas forcément. Tu as eu de la chance, donc il faut plutôt te réjouir et prier. »

Après 45 mn environ, on est arrivé à un endroit que je ne pourrai pas reconnaitre ; je n’ai jamais imaginé qu’un tel endroit pouvait exister sur terre. Il m’a introduit au commandant qui m’a soumis à des questions du genre : Qui m’a envoyé ? Mes relations avec tel ou tel ? Etc… J’ai répété ce que je disais depuis le premier jour parce que c’est cela la vérité. Le commandant s’est donc levé et est sorti un moment, puis il est revenu après pour donner son OK pour qu’on me libère.

J’ai donc été ramené à la DPJ où on m’a embarqué dans l’un de leurs camions. Ils m’ont descendu à Deckon. Lorsque les gens m’ont d’abord vu descendre du camion, ils se méfiaient et n’osaient pas s’approcher de moi, me prenant pour un voleur. J’ai alors approché un zémidjan qui a accepté de me ramener à la maison après lui avoir expliqué brièvement ce qui m’était arrivé. Je m’étais rendu plus tard à l’hôpital où mon examen radiographique a confirmé que j’avais effectivement une fracture au bras droit et un déboîtement à mes deux chevilles. »

Mais, si ce citoyen, miraculeusement rescapé de l’incroyable tragédie dans laquelle il a été embarqué, a pu finalement en sortir vivant, combien n’en sont pas revenus, comptant parmi ces dizaines de disparus sur lesquels pèse un lourd silence depuis qu’on est sans nouvelles d’eux.

Publiquement interpelés sur l’impunité dont les autorités togolaises ont couvert l’action criminelle de ces miliciens, certains responsables gouvernementaux et du parti au pouvoir tels le ministre Damehane YARK de la Sécurité et de la Protection civile et le député Christophe TCHAO, chef du groupe parlementaire UNIR à l’Assemblée Nationale, après avoir tenté de les nier, sans succès devant l’accumulation de preuves tangibles de leurs forfaits, ont fini par les justifier.

Le jeudi 19 octobre, le même scénario cauchemardesque pour la population se reproduisit.
Mais, à cause du climat de terreur qui avait sévi sur la capitale la veille, tout le monde resta cloîtré à domicile, peu de citadins ayant osé sortir, faisant de Lomé une ville morte de fait.


L’arbitraire n’en continuait pas moins ce 19 octobre avec l’arrestation à son domicile, par les gendarmes du SRI, à 5 heures du matin, de Messenth KOKODOKO, militant du mouvement NUBUEKE. Conduit vers une destination inconnue, dans un premier temps, ce n’est que deux jours plus tard qu’on apprendra qu’il était détenu au Service de renseignement et d’investigation (SRI) de la Gendarmerie nationale où on l’a sévèrement torturé pour lui soutirer des informations sur le mouvement auquel il appartient.

Sur les deux journées des 18/19 octobre, ce sont au total plus d’une centaine de personnes qui auront été arbitrairement arrêtés alors que les miliciens faisaient régner la terreur dans la capitale. Cruellement torturés au SRI, certains d’entre eux ont même été contraints d’uriner dans leurs vêtements avant qu’ils ne soient présentés, dans ce piteux état, au Procureur de la République auprès de qui ils ont été conduits, entassés, par vagues de 25, dans des fourgonnettes du SRI. Parmi eux des mineurs qui ont été incarcérés dans des centres de détention non réglementaires car non prévus à cet effet. Auditionnés à la va-vite, hors de la présence de leurs avocats, certains d’entre eux ont été libérés après avoir été mis hors de cause.

Une semaine après l’arrestation de Messenth KOKODOKO, surviendra celle de deux autres membres du même mouvement qui, également détenus au SRI, y seront aussi torturés : Joseph EZA, vice-président de NUBUEKE, arrêté le 26 octobre 2017, et Fiacre Ayao ATSOU, ex coordinateur du Club NUBUEKE à Agoè, arrêté ce même jour.

Les 22, 23 et 25 novembre

Si tout se passa sans incident pendant les deux premiers jours de la série de trois jours de manifestations organisée cette semaine par la coalition de 14 partis de l’opposition, le samedi 25 novembre, dernier jour de ces manifestations, connut à nouveau une grave violation des libertés et droit de manifestation. En effet, des militaires furent déployés pour interdire aux manifestants, qui se rendaient aux points de départ des manifestations en venant du quartier Agoè, de passer devant l’Etat-major des Forces armées togolaises, sur la Nationale 1, devant la Brasserie BB, les forçant à faire un long détour par le quartier Adidoadin.

Les 29/30 novembre et 2 décembre

Alors que la série de trois jours de manifestations organisée cette semaine par la coalition des 14 partis de l’opposition s’était déroulée sans incident jusqu’à son troisième jour, la dispersion de la marche du dernier jour, samedi 2 décembre, s’acheva sur de graves événements.

Lorsque les manifestants rentraient à leurs domiciles, ceux d’entre eux qui arboraient des tenues de couleur rouge, symbole du PNP, à leur arrivée aux carrefours Atikoumé et CCP (à l’entrée du quartier Adéwui), furent pris à partie par les forces de l’ordre qui, après les avoir séparé des autres manifestants, les tabassèrent sauvagement.

Même des responsables de la coalition des 14 partis de l’opposition, qui se rendirent sur les points où ces incidents survenaient dans l’objectif de parlementer avec les forces de l’ordre, furent menacés et agressés par ces dernières qui n’hésitèrent pas à tirer des grenades lacrymogènes sur le véhicule de Mme Brigitte ADJAMAGBO-JOHNSON, présidente de la CDPA.

Au quartier Adéwui, une course poursuite, que des militaires engagèrent contre un convoi transportant des militants du PNP, provoqua un grave accident au cours duquel un camion chargé de membres du PNP se renversa, blessant grièvement l’un d’entre eux dénommé Djalil OURO-DJOBO, menuisier en aluminium. Transporté au CHU-Tokoin d’où sa famille, pensant qu’il n’était pas en sécurité, le fit évacuer sur une clinique de la ville, il devait malheureusement y rendre l’âme le lendemain matin.

Les 13/14/16 décembre

Avec l’internationalisation de la crise sociopolitique qui s’était ouverte depuis la manifestation du 19 août à travers la multiplication d’initiatives sous-régionales et internationales visant à l’organisation d’un dialogue politique entre le gouvernement et la coalition des 14 partis de l’opposition, cette série de 3 jours de manifestations hebdomadaires organisées par la coalition se déroulèrent sans incident.

Les 27, 28, 30 décembre 2017

Le mercredi 27 décembre, premier jour de cette série hebdomadaire de trois jours de marches pacifiques, les propos menaçants à l’encontre des manifestants que le ministre de la Sécurité, Damehane YARK avait tenus quelques jours auparavant, avaient visiblement poussé les organisateurs, par prudence, à décider d’appeler à la dispersion de la marche à Lomé, à son arrivée au carrefour Deckon en lieu et place du point de chute à la plage.

Le jeudi 28 décembre, à Lomé, lorsque les manifestants se rassemblaient à Agoè pour aller participer à la marche pacifique, les forces de l’ordre les dispersèrent à coups de grenades lacrymogènes. Et, lorsque la tête de la marche pacifique qui s’étirait en une foule immense sur plusieurs kilomètres arriva au Carrefour Deckon, elle fut chargée avec une rare violence, et sans raison, par les forces de l’ordre.

Intervenant avec hargne sur les médias, Damehane YARK, ministre de la Sécurité, dénonça le fait que les responsables de la coalition, qui avaient appelé à la marche pacifique, ne se trouvaient pas en tête de manifestation, visiblement parce qu’il n’avait pas apprécié la dispersion de la marche de la veille par les responsables de la coalition des 14 partis au Carrefour Deckon, avant son arrivée au point de chute prévu à la plage. Ouvertement visés par cette incompréhensible répression d’une rare brutalité, l’un de ces responsables, Eric DUPUY, de l’ANC, eut à subir un tir nourri de grenades lacrymogènes, dont certaines à bout portant car tirées à deux ou trois mètres jusqu’à l’intérieur même du véhicule le transportant. Il fut pourchassé sur plusieurs centaines de mètres par une fourgonnette des forces de sécurité à bord de laquelle se trouvaient près d’une dizaine de gendarmes. Il dénonça le ministre YARK comme responsable de la tentative d’assassinat visant à le tuer dans la sauvagerie de cette répression qui occasionna officiellement une douzaine de blessés et une quinzaine d’arrestations.

Le samedi 30 décembre, 3e jour de marche pacifique de la semaine se déroula sans incident à Lomé, mais les manifestants, sur le chemin de retour à leur domicile, furent traqués et tabassés par les forces de l’ordre, l’un d’entre eux ayant même été victime d’une fracture au bras.

Le samedi 20 janvier 2018, ce sont les femmes de la coalition des 14 partis de l’opposition qui prirent l’initiative d’une marche pacifique dans les rues de Lomé pour cette marche nationale qui avait été appelée aussi dans les autres villes du pays. Démarrées de 3 points de la capitale elle convergea au Collège du Plateau ayant rassemblé une foule immense de femmes, toutes de noir vêtues pour symboliser le deuil dans lequel se trouvaient les femmes togolaises du fait de la situation sociopolitique désastreuse que vivait le pays (…).
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