Vous êtes sur la version Archive de iciLome.
Visitez la nouvelle version
Opinions
Togo

Martin Luther King: Qui a assassiné ce Pasteur

-

Commenter | Lu : 2295 fois


Martin Luther King: Qui a assassiné ce Pasteur
Leader du Mouvement des droits civiques aux Etats-Unis ?
( Texte élaboré le 4 avril 2018, cinquantième anniversaire de l'assassinat de MLK )

Certains Africains peuvent être tentés de penser que ce qui se passe aux Etats-Unis est loin de l'Afrique et ne nous concerne que modérément. Grave erreur. Notre sort est aussi lié au sort des Noirs Américains. Un seul exemple: A fin de la Première Guerre Mondiale, les Noirs Américains tels que William Dubois exigeaient l'indépendance immédiate pour toutes les anciennes colonies de l' Allemagne impériale ( Togo, Cameroun, Namibie, Tanzanie, etc ) à l'opposé des puissances européennes victorieuses qui n'aspiraient qu'à intégrer ces territoires dans leurs possessions. Ce ne fut qu'à la suite d'âpres négociations qu'un statut intermédiaire fut trouvé, celui de mandat: la gestion des territoires allemands fut confiée aux puissantes occupantes sous la supervision de la Société des Nations (SDN) nouvellement créée.

Qui peut se permettre d'oublier le PANAFRICANISME, cette idéologie de libération et d'unification du continent africain née aux Etats-Unis dans le milieu noir-américain?

Aussi devons-nous nous sentir concernés au premier chef par les mouvements des droits civiques aux USA, et par le sort réservé à leurs leaders.

1965: Le leader noir américain Malcolm X est assassiné quelques temps après sa tournée en Afrique pour solliciter l'appui de certains pays du continent dans la défense des droits des Noirs . Ce mercredi 4 avril 2018 est commémoré le cinquantième anniversaire de l'assassinat du Pasteur Martin Luther King, grand leader du Mouvement des droits civiques pour les Noirs-Américains. Je me souviens de ce jour de 4 avril 1968: j'étais dans un train avec des amis; grand était le choc ressenti et immense notre surprise d'apprendre que King , classé comme très modéré par rapport à Malcolm X, était aussi assassiné, acte qui entraîna des émeutes et des incendies dans bien de grandes villes américaines aussitôt la nouvelle répandue surtout par la radio.

Martin Luther King ( MLK ) était à Accra le 6 Mars 1957 à la proclamation de l'Indépendance du Ghana, et c'était une grande joie, une joie immense de voir l'Afrique qui s'éveille être soutenue par les descendants de ses fils qui avaient été exportés. Et la vague indépendantiste, étayée par un panafricanisme militant, servait de puissant stimulant pour le MOUVEMENT DES DROITS CIVIQUES aux USA.

L'assassinat de MLK fut une surprise. Une grande surprise quand bien même tout le monde avait à l'esprit l'assassinat du Président John Kennedy en 1963 et celui du leader noir-américain Malcolm X en 1965.
Il fut alors avancé par certains militants très informés sur la politique américaine que l'assassin qui avait tiré sur le Pasteur King ne pouvait être qu'une main au service du chef de la police, Edgar Hoover, patron du FBI, approuvé plus ou moins tacitement par le Président Lyndon Johnson. Si cette thèse pouvait laisser sceptique, les documents publiés à ce jour semblent la confirmer. Edgar Hoover, Américain conservateur de droite ( ou d' extrême-droite ) n'avait jamais vu le Mouvement de King d'un oeil favorable . Il faisait adresser à King et à sa famille des lettres et des colis dégradants et pleins de menaces. Il ne pouvait pas accuser le Pasteur d' être communiste, alors il reportait cette accusation sur des collaborateurs du Pasteur très actifs qu'il signalait aux présidents Kennedy puis Johnson. La Marche sur Washington du 28 Août 1963, cette marche qui rassembla des centaines de milliers d'anti- ségrégationnistes de toutes couleurs et de toutes religions, cette marche où le Pasteur fit part de son rêve sur l' Amérique à l'Amérique, cette célèbre marche, Edgar Hoover n'en voulait à aucun prix.

Et le Président des Etats-Unis Lyndon Baines Johnson, successeur du Président John Kennedy ? Il se retrouvait embourbé dans la guerre au Vietnam. La réalité sur le terrain de guerre était tout à fait différente des mensonges racontés au peuple américain. La guerre coûtait de plus en plus cher , demandait beaucoup plus de monde, obligeait le gouvernement à négliger les services sociaux et à faire appel aux réservistes. En les années (19)67-68, la guerre était à son paroxysme et à un tournant avec l'offensive du Têt, une offensive générale du Vietnam du Nord et du Vietcong sur le Sud-Vietnam et sa capitale Saïgon . Les cercueils des morts revenaient nombreux aux USA. Les mouvements anti-guerre et leurs protestations, ajoutés aux agitations étudiantes, couvraient tout le territoire des Etats-Unis, contraignant le Président Johnson à renoncer à se présenter pour un second mandat.

La guerre avait créé beaucoup de tensions dans le pays, et des tensions entre le président Johnson et le Pasteur King résolument anti-guerre qui voyait débarquer les multiples cercueils des soldats noirs nombreux dans l'infanterie américaine au Vietnam. Les classes pauvres voyaient leurs conditions se dégrader et les ghettos périclitaient. On disait alors qu' " une bombe lancée sur le Vietnam explosait aux Etats-Unis ". Le budget de la guerre primait sur tout et le Président faisait appel aux réservistes pour renflouer le corps expéditionnaire qui , déjà, dépassait les 500 000 hommes.

Dans le livre de l'historien américain, John Prados, La Guerre du Vietnam(1), paru en 2009, il apportait des informations importantes sur le Pasteur et le Président : " Aux yeux de Johnson, le signe le plus irréfutable [ contre la conscription et l'appel des réservistes ] fut le poids croissant de Martin Luther King dans les rangs de l'anti-guerre, une place que le révérend avait prise malgré les objections de ses propres conseillers.....Le Président confia à l'un des siens qu'il ne réussissait pas à comprendre pourquoi King avait annulé deux rencontres successives dont ils étaient convenus [souligné par moi] . Ces rebuffades l'irritaient, car avec les politiques publiques de la Grande Société [ un programme de lutte contre la pauvreté de Johnson ], il [Johnson] avait oeuvré avec acharnement pour les droits civiques et l'éradication de la pauvreté. Quand King monta en chaire à la Riverside Church pour s'exprimer contre la guerre, et de nouveau lors d'un énorme meeting le 15 avril [ 1967] à New-York, ses motivations ne soulevaient guère de doute."

Johnson était irrité, très irrité et choisit d'annoncer publiquement que le FBI, la police américaine , lui communiquait des rapports réguliers sur le mouvement anti-guerre. Et les rapports au Président sur King s'accumulaient, nombreux. "En janvier 2004, note John Prados, le FBI avait rendu publiques 2887 pages de documents sur le SNCC ( Students Nonviolent Coordinating Committee, mouvement noir), 282 sur son dirigeant Stokely Carmichael [qui dut s'exiler dans la Guinée de Sékou Touré , 11 764 sur Malcolm X [grand leader noir bien connu, assassiné en 1965] , et 16 659 pages sur Martin Luther King, ....Ce fut la période où l'on tenta à plusieurs reprises de jeter le discrédit sur Martin Luther King". C'est noté que la haine du FBI et de son chef pour MLK était intense. Recrutement d'informateurs, mise sur écoute des lignes téléphoniques, pose de micros dans les bureaux, rien n'était épargné pour chercher à intimider le leader du Mouvement des droits civiques.

Et l'historien américain de conclure: " C'eût été une chose que d'employer ces tactiques contre un ennemi déclaré des Etats-Unis, c'en était tout à fait une autre d'en user contre des Américains exerçant des droits protégés par la Constitution."

Mouvements spontanés de foules protestataires partout aux USA, de très grandes villes en flamme, l'Amérique en guerre au Vietnam se voyait fortement secouée à l'intérieur, des secousses que les auteurs de l'assassinat n'avaient pas prévu.

Malcolm X était assassiné, on le jugeait trop radical. Martin Luther King aussi était assassiné le 4 avril 1968. Au vu de ce que nous savons 50 ans après, peut-on écarter un assassinat commis par une main du FBI avec l'approbation plus ou moins tacite du Président Johnson?

Même mort jeune, à 39 ans, le Pasteur a triomphé de la mort et la justesse de la cause inoubliable qu'il défendait l'a immortalisé à jamais.

John Semuha [email protected]
Association des Togolais Libres (ATOL) atol63 @free.fr .
1- John Prados: La Guerre du Vietnam , p306-307, Ed Tempus.
Titre original: Vietnam. The History of Unwinnable War 1945-1975 ( Vietnam. L'histoire d'une guerre ingagnable.)-










Actualité Immobilier Boutique


HOME

Nos services
Reportages
Publicité
Soumettre un article

Sites web partenaires
Azizo.net
LomeChrono.com
AfricaHotNews


Contactez-nous
Termes et conditions
@iciLome 2024