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Opinions
Togo

DÉGAGER LE GANG ET ENLEVER LA GANGUE

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Nous ne saurons évoquer la crise chronique de notre pays, le Togo, encore moins envisager les approches de solutions pour l’en sortir sans la situer dans un contexte géopolitique et historique international et africain caractérisé par la perte des grandes valeurs humanistes sur lesquelles sont supposées bâties les sociétés humaines.

De cette réflexion sur la perte ou l’inexistence réelle de ces valeurs dans les rapports entre sociétés, nous pouvons examiner un certain nombre de notions comme celles de démocratie, de droits de l’homme, de paix et de coexistence pacifique entre les peuples…d’où découlent la mise en place d’organismes comme l’ONU, la CPI, ou de manière un peu plus abstraite, la Communauté internationale, le devoir d’ingérence, l’interdépendance des États les uns par rapport aux autres, la justice etc.

Les principes sont bons et objectivement, aucun homme sensé, aucune société humaine ne saurait les réfuter ou s’y dérober.
Mais, voilà. Les sociétés africaines, comme les sociétés issues de ce que l’on appelle objectivement, c’est-à-dire sur le plan purement linguistique, les races non-aryennes, non-indoeuropéennes, ont subi l’esclavage, puis la colonisation, une forme ou une autre de domination que l’on ne peut justifier que par l’aspect extérieur, ou les origines, ou la situation géographique, ou les pratiques culturelles..

Il est vrai que certains slaves ont été esclaves des autres peuples indo-européens, comme des serfs un peu partout sur le continent européen, mais c’est tout simplement la preuve qu’il ne suffit pas d’établir de beaux principes pour que les valeurs humaines triomphent et que quand des hommes ou des peuples sont faibles, d’autres hommes et d’autres peuples, supposés forts par les armes n’hésitent pas à les dominer et à les exploiter à leurs propres intérêts.

Le héros de Cheikh Hamidou Kane dans son roman L’aventure ambiguë, se demande pourquoi et comment on peut vaincre dans ce monde sans avoir raison. Cette réalité amère est encore vécue aujourd’hui par plusieurs peuples.

Nous sommes partout sur un champ de bataille, sur un terrain où seul un rapport de force favorable peut nous amener á la victoire.
Toute l’Afrique colonisée, puis dans un contexte de décolonisation hypocrite, apprendra cette vérité à ses dépens. Le débat actuel sur les vraies raisons de la création du franc CFA doit nous amener à remettre en cause, non seulement sur le plan monétaire et économique, mais aussi sur les autres plans, politique, géopolitique, culturel…la qualité et les dimensions réelles de nos indépendances.
Le principe de l’Universalité des droits de l’Homme est battu en brèche par certaines réalités inconcevables comme le Code Noir (faisant des esclaves noirs des biens meubles), le partage de l’Afrique à la Conférence de Berlin entre les puissances occidentales et leurs conséquences sur les rapports entre les États du globe aujourd’hui…
Déjà au XVI siècle, face à une invasion portugaise contre laquelle il se sentait impuissant, le roi du Monomotapa concéda : « Moi, empereur du Monomotapa, je juge bon et il me plaît de donner à Sa Majesté le roi du Portugal toutes les mines d’or, de cuivre, de fer, de plomb et d’étain existant dans mon royaume, à condition que je conserve mon État et que j’y puisse gouverner comme je l’ai fait jusqu’à présent et comme le firent mes ancêtres » ( Bernard Nantet et Rémy Bazenguissa, L’Afrique, mythes et réalités, Le Cherche-Midi éd. 1995, p. 90 ).

Cela pourrait paraître caricatural de comparer ce deal entre les Portugais et le souverain du Monomotapa au XVIe siècle et le nouveau deal de certaines puissances coloniales et des chefs d’États africains d’aujourd’hui. Mais, par-delà la caricature, on peut s’interroger. La hantise de perdre le pouvoir dans les territoires sur lesquels ils règnent en maîtres absolus si les puissances occidentales ne les y aident pas, n’explique-t-elle pas bien souvent la concession que les dirigeants africains font sur les biens du sol et du sous-sol aux anciens colonisateurs ? Et en contrepartie, l’empressement des anciennes puissances colonisatrices à favoriser l’avènement des pouvoirs dictatoriaux africains et à les soutenir contre vents et marées ne s'explique-t-il pas par les avantages que leur offrent ces pouvoirs sur les richesses des pays qu’ils prétendent gouverner ? Que l’on analyse les propos tenus par Jacques Chirac à la mort d’Eyadema, alors que le fils de ce dernier, Faure Gnassingbé dont les premiers pas au pouvoir que venaient de lui offrir sur un plateau les généraux de l’armée togolaise étaient encore vacillants. « Je ne peux pas abandonner le fils d’un ami de la France » avait dit le président français. Et cette petite phrase, dans un Togo, dans le contexte de la France-Afrique, presque entièrement dépendant de la France, avait tout son poids, plus de poids que le vote des millions de Togolais. Et, non loin du Togo, l’intervention de l’armée française dans ce qui devait être un contentieux électoral et traité comme tel, n’a-t-il pas plus de force que toutes les institutions ivoiriennes ou africaines ? Ou onusienne, à supposer, comme une version des faits a voulu nous le faire accroire, que ce fût les forces de l’ONU qui aient délogé le président Laurent Gbagbo de sa résidence ?

Le roi du Monomotapa était impuissant face à l’invasion des armées du Portugal et il leur a donné les richesses du sous-sol du pays pour conserver son pouvoir. Eyadema et son fils après lui, n’ont pas d’autre choix pour conquérir et conserver le pouvoir que de se faire amis et clients de la France.

Celui qui a voulu faire un autre choix, c’est Gbagbo qui s’est retrouvé à la CPI, avec son ministre Blé Goudé, qui a été acquitté à l’issue de huit années de procès, mais est interdit de rentrer dans son pays parce que les puissances ayant des intérêts en Côte d’Ivoire ne le souhaitent pas, et qui vit maintenant en exil forcé en Belgique.
De Béhanzin à Gbagbo, les puissances coloniales ne font pas preuve d’une très grande imagination.

Du coup, quelle crédibilité peut avoir aux yeux du monde la justice internationale ? D’ailleurs, les nombreux scandales judiciaires et politico-financiers dans lesquels sont impliqués les dirigeants du monde comme l’ancien président français Sarkozy nous montrent bien que ce n’est pas de ce côté-là qu’il faille aller chercher nos modèles de valeurs et de vertus. Mais, ce n’est pas le sujet de notre réflexion.

Revenons en Afrique. La rébellion ivoirienne, ouvertement menée par Guillaume Soro, comme prélude à un piège qui permettrait de prendre Gbagbo à un prétendu jeu démocratique dont le but était surtout, in fine, d’installer au pouvoir un homme favorable aux intérêts occidentaux et surtout français dans ce pays, en l’occurrence Alassane Ouattara semble avoir fonctionné selon le plan de Paris. Sans entrer dans les détails, disons que ni les vies humaines des Africains, ni l’avenir de la Côte d’Ivoire n’ont été des éléments prioritaires dans ce plan machiavélique conçu par l’Occident, la France plus précisément avec la complicité des Africains préoccupés par les ambitions personnelles plus qu’autres choses. Non loin de la Côte d’Ivoire, les tragédies connues par les peuples frères du Libéria et de la Sierra Leone n’ont pas eu que des Africains comme personnages principaux impliqués dans les atrocités commis pendant ces années d’horreurs. Avant le Libéria et la Sierra Leone, le génocide rwandais et avant celui-ci, la guerre de sécession du Biafra.
Nous n’attribuerons pas tous les malheurs des Africains aux étrangers, cependant ceux qui sont à l’affût des tragédies et de toute forme d’instabilités socio-politiques dans nos pays, ne nous ont-ils pas à plusieurs raprises donné la preuve que leurs intérêts prévalent avant tout sur la vie et la dignité des Africains ? Le malheur de nos peuples est de regorger d’immenses ressources convoitées par l’Occident dont les nations sont pour le moins dirigées par des hommes sans foi ni loi qui trouvent facilement leurs complices en Afrique ou des hommes prêts à concéder aux Occidentaux la main mise sur nos richesses, à condition que ceux-ci leur garantissent leur propre pouvoir, comme le roi du Monomotapa.

Revenons encore plus près du sujet qui nous intéresse, le Togo. Après le 19 août 2017, le pouvoir ahuri, pris de panique se sentant rejeté par le peuple togolais, ne sachant à quel saint se vouer, que n’a-t-il pas fait ? Que n’a-t-il pas commis ? Meurtres par-ci, arrestations par-là, siège autour de certaines villes, chasse aux paisibles populations pour la simple raison que celles-ci voudraient exprimer leur opposition à son encontre ; il s’adonnait à de ridicules mesures démagogiques à gauche et à droite et surtout courrait partout à travers l’Afrique et le monde à la recherche d’aides et de soutiens pour se maintenir en place. Alors que le président du Nigéria, Muhammadu Buhari déclarait publiquement ne pas exclure l’option militaire pour éviter un bain de sang aux portes de son pays, il a suffi d’une visite du président français Macron au Nigéria pour tout changer. En fait, Macron recourait à Buhari pour jouer le même rôle qu’avait joué Obasanjo sur intervention de Chirac en 2005 au Togo pour consolider la position encore vacillante de Gnassingbé baignant dans le sang d’au moins 500 victimes (chiffre reconnu par une enquête de l’ONU alors que d’autres sources parlent de milliers de morts).

C’est dans ce contexte de politique internationale où des intérêts complexes de tous ordres ont plus de poids que les notions abstraites de justice, de vérité, de démocratie, de droits de l’homme, de dignité humaine qu’il faut analyser la situation au Togo, carrefour d’histoires, d’enjeux économiques et politiques donc forcément de scandales impliquant des personnages ayant commis des actes dont ils devraient répondre devant des juridictions internes et externes.
Dans ce contexte-là, n’est-ce pas un peu réducteur de dire aux acteurs politiques de quelque bord qu’ils soient d’aller aux urnes pour que tout soit résolu ?

Doit-on alors s’étonner que le dialogue, la feuille de route, toute l’intervention d’un organisme comme la CEDEAO n’aient rien apporté au peuple togolais ?

Certains pourraient sourire, sceptiques, pensant que les Togolais, comme les Africains en général sont enclins trop rapidement et trop facilement à faire usage de la théorie trop réductrice du complot. Mais, comment ne pas croire au complot quand les mêmes, presque toujours, se retrouvent du même côté, au bout du compte, pour soutenir directement ou de manière détournée le même clan dans sa volonté de conserver le pouvoir depuis plus de cinquante ans, alors que de l’autre côté, les mêmes se retrouvent les dindons de la farce, toujours perdants, toujours victimes ? Et que le sort de la majorité des citoyens ne s’améliore guère. Au contraire…

La complexité du problème togolais, le désarroi et l’impuissance dans lesquels les Togolais se voient jetés, les insécurités de toutes sortes qui règnent dans le pays et l’incertitude totale du lendemain ont conduit des citoyens de différents niveaux intellectuels, d’obédiences diverses, d’appartenances idéologiques qui pourraient s’opposer les unes aux autres à se tourner vers le spirituel.

Nous ne parlons pas des marchands de prophéties et des charlatans de tout bord. Mais d’hommes de conviction que l’on peut dire sérieux et sincères. Et parmi eux, des hommes de l’envergure de Monseigneur Kpodzro.

Ce dernier a préconisé des prières d’exorcisme pour débarrasser le pays de certains esprits qui l’auraient envahi depuis son existence autonome. Il ne nous appartient pas de critiquer cette vision de l’évêque, d’autant plus que sur le même plan spirituel, nous n’avons rien à proposer. Mais, nous pouvons néanmoins nous demander en quoi cet exorcisme différerait des cérémonies dites de « purification » opérées quelques mois plus tôt avant la déclaration du prélat catholique et auxquelles se sont adonnées des prêtres de toutes croyances confondues, à la demande des pouvoirs publics ? Inutile d’insister sur le fait que la majorité des Togolais qui ne sont nullement dupes n’ont accordé que le crédit qu’il mérite à ce genre de trouvaille, c’est-à-dire pas de crédit du tout et s’en étaient moqués comme d’une ridicule manœuvre psychologique de plus.
Mettons-nous d’accord qu’il s’agit d’un problème relevant de l’esprit dans ce contexte international où le mensonge, l’injustice, la malhonnêteté et le crime, c’est-à-dire de la perte des valeurs spirituelles dans les milieux politiques, sont monnaies courantes. Dans un tel contexte, le groupe de pays qui se sont constitués sous l’appellation de « Groupe des Cinq », relativement le même qui a amené nos partis d’opposition aux discussions de l’APG est à prendre au niveau de crédibilité où il doit être, ne serait-ce qu’au vu des résultats de l’APG. Cet accord, faut-il le rappeler, ne nous a pas permis de sortir de l’obscurité de la crise.

Quelle est alors la solution spirituelle, dans un sens purement laïc? L’avènement d’une nouvelle classe d’hommes politiques pétris des valeurs spirituelles et qui ait pour ambition première de réintroduire ces valeurs dans notre société.

Ces hommes (et ces femmes), où les dénicher ? Il n’y a pas de miracle à attendre du ciel. Nous les côtoyons et c’est par leurs dires en conformité avec leurs actes qu’ils se révèlent à nous. « Vous les reconnaîtrez à leurs fruits », dirait l’Évangile. Ne donnons aucun nom.

Dans leur for intérieur, ces concitoyens sont ceux qui font leurs ces paroles prophétiques de la vision fondamentale de notre hymne :
« Togo chéri, l’or de l’humanité ».

Ceux dont l’amour de la patrie, qui ne saurait être réduite à un clan, une ethnie, une région, ni même à une classe, à un parti politique a été éprouvé.

L’or, la pureté de la vision que l’on a du pays, l’aspiration à contribuer à l’éclat de la nation togolaise, ensemble avec d’autres concitoyens de quelque bord qu’ils proviennent, une nouvelle conception de l’unité nationale indispensable.

L’or, métaphore de la durée, de la vraie richesse, de l’éclat perpétuel, par opposition à la gangue, en fait contre-valeur qui ne peut qu’être de durée limitée.

Pour parvenir à ses vertus originales définies par les pères fondateurs du pays, l’or doit être débarrassé de la gangue, des matières sans valeur qui l’enveloppent (cupidité, avidité, égoïsme, corruption, désir d’amasser incompatible avec les valeurs de partage et de solidarité…) et du gang, c’est-á-dire de tous les hommes et de toutes les femmes entrés en politique comme une bande de gangsters pour se remplir les poches, accumuler biens matériels sur biens matériels, accaparer à leur seul profit les appareils de la nation et pour en jouir le plus longtemps possible, user de moyens sans considération de morale et d’éthique pour s’éterniser au pouvoir.

On peut donc résumer en deux phrases la tâche qui doit être accomplie au Togo :

Enlever la gangue et dégager le gang.

Et cette tâche incombe à tout pouvoir prochain au Togo, qui sera forcément un pouvoir de transition, quelle que soit la durée qui lui sera accordée pour remplir sa mission.

L’histoire de l’opposition togolaise a ceci de positif, malgré, ou plutôt à cause de ses échecs répétés, que le Togo pourra devenir l’un des foyers d’où partira le mouvement de peuples qui transformera le visage de l’Afrique.

Sénouvo Agbota ZINSOU

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L'AUTEUR
Sénouvo Agbota ZINSOU
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